Le fils de famille développe son récit familial sur une durée diégétique conséquente (avec flashback), centrée sur la première moitié du XXe siècle, avec une tonalité très étonnante, à cheval sur plusieurs genres entre drame, comédie, histoire et étude de mœurs. Kon Ichikawa s'intéresse à la vie d'un homme soumis à la tyrannie d'un matriarcat à peine caché, sous le joug de sa mère et de sa grand-mère qui règnent à la fois sur l'entreprise familiale de commerce de chaussettes traditionnelles (les tabis) et sur la descendance directe de la famille, en imposant de manière très rigide le choix de la bonne épouse à leur fils et petit-fils. Le but étant de contrôler le couple, de faire en sorte qu'ils aient une fille et ainsi perpétuer la domination féminine. Le protagoniste, Kikuji, ne parviendra à voler de ses propres ailes que très tard, à 60 ans, époque de l'introduction et de la conclusion du film.


C'est donc une thématique assez originale, annoncé par le titre original "Bonchi" qui désigne un fils aîné incapable, un héritier passif. Les personnages féminins sont pour certaines dans une situation à laquelle elles échappent en général, dans le cinéma japonais traditionnel, puisqu'elles gèrent de manière très active un héritier à la famille en imposant mariage et procréation au jeune homme. La reproduction d'un schéma tragique, avec un jeu d'inversion des valeurs traditionnelles très intéressant.


Pas vraiment de temps fort ni de temps mort, le film évolue sur une base assez constante, si l'on excepte la mort d'une femme et un bombardement allié durant la Seconde Guerre mondiale — l’occasion de voir tous les personnages réunis, après l'incendie de la maison et des usines, dans le seul entrepôt toujours debout : toutes les femmes, mère, grand-mère, et maîtresses, se regroupent autour de l'homme et sont bien obligées de faire connaissance, entre embarras et "mieux vaut tard que jamais". Un personnage masculin essentiellement passif, que ce soit devant le charme de ses amantes ou l'autorité de sa famille (très bon Raizo Ichikawa à ce titre). Du côté des prétendantes, on remarque comme toujours la présence de Ayako Wakao.


Un récit plutôt complexe à appréhender, au sein duquel un entrelacement de contraintes gouverne les comportements sans qu'il ne soit explicité. Mais le renversement des valeurs, avec le retournement des codes classiques en matière de relation entre hommes et femmes, reste franchement appréciable.


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Morrinson
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le 25 févr. 2021

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