À trente-trois ans, Mathieu ne sait pas qui est son père. Sa mère n’a jamais voulu le lui révéler. Un matin, un appel téléphonique lui apprend que celui-ci était canadien et qu’il vient de mourir. Découvrant aussi qu’il a deux frères, Mathieu décide d’aller à l’enterrement pour les rencontrer. Mais, à Montréal, personne n’a connaissance de son existence, ni ne semble vouloir la connaître…
Après l’émouvant « Je vais bien, ne t’en fais pas », du social « Welcome », Philippe Lioret s’inspire à nouveau des secrets familiaux pour concevoir un film tout en délicatesse. En choisissant Pierre Deladonchamps (meilleur espoir masculin en 2014 pour « L’inconnu du lac » de Guiraudie) afin d’incarner son personnage principal et en l’entourant de comédiens canadiens, dont l’accent rend plus crédible encore le climat qu’il entend faire régner avec une incontestable sensibilité, il actualise l’émotion et la douceur nécessaires à pareil sujet, sujet qu’il a puisé dans un roman de Jean-Paul Dubois « "Si ce livre pouvait me rapprocher de toi », dont il a conservé les lignes directrices..
Mathieu est un trentenaire parisien divorcé et père d’un jeune garçon qu’il visite régulièrement. Il semble mener une vie tranquille. Alors qu’il travaille à son bureau dans sa société de croquettes pour animaux, il reçoit un coup de fil d’un correspondant étranger se présentant comme un ami de son père qui vient de mourir. Celui-ci lui demande son adresse postale afin de lui adresser un colis que ce père inconnu a laissé à son intention. C’est alors que Mathieu décide d’aller lui-même récupérer le paquet au Québec à l’occasion de l’enterrement et, ainsi, de faire la connaissance de cette fratrie lointaine qui lui tombe soudain du ciel. A son arrivée, il est surpris du peu d’empressement que suscite sa venue de la part de Pierre, son hôte canadien, l’ami intime de son père qui lui avait téléphoné pour lui apprendre l’existence de celui-ci. Dès qu’ils se rencontrent à l’aéroport, Pierre lui déconseille de façon autoritaire et brutale de ne dévoiler sa réelle identité à quiconque et surtout pas à ses deux frères. A ce moment du récit, le doute s’installe sérieusement quant aux sentiments de ce personnage peu sympathique incarné par un Gabriel Arcand très convaincant dans ce rôle d’ours bougon qui va, au fil de cette visite, changer totalement de registre. Qu’a-t-il à cacher ? A-t-il une responsabilité quelconque dans la mort de son ami, noyé dans un lac alors qu’ils pêchaient ensemble ? Qui sont vraiment ces deux garçons cupides et bagarreurs qu’il présente à Mathieu comme étant ces demi-frères ?
Le film va se dérouler sur un tempo fragile et délicat, malgré quelques scènes d’affrontement, mais l’essentiel réside ici dans le non-dit, le suggéré, les regards, les espérances et les regrets, ceux de gens simples qui affrontent des révélations et remettent en cause leur acquit, balançant dès lors entre inquiétude et espérance. En choisissant la pudeur, Lioret évite de sombrer dans le mélo et la pleurnicherie et, avec beaucoup de discernement, choisit deux acteurs qui usent de cette corde sensible avec infiniment de doigté. Pierre Deladonchamps est formidable de naturel avec sa gueule d’éternel enfant, sa gentillesse, sa vulnérabilité, dans le rôle de Mathieu, et Gabriel Arcand joue avec finesse celui de l’ami du père qui se laisse gagner par la gentillesse de ce parisien inconnu et s’ouvre, sur le tard, à une conception tout autre des rapports humains, à une tendresse qu’il ne concevait pas. Quant aux femmes, mère et fille de Pierre, elles sont parfaites et apportent au film une touche supplémentaire de douceur sans mièvrerie. Une jolie réussite. {1]