Contre les bobos qu'il déteste, Eugène Green signe un film résolument suranné. Pour apprécier Le fils de Joseph, il faut donc d'abord passer outre le parler artificiel qu'il impose à ses acteurs. Ceux-ci prononcent rigoureusement les liaisons les plus inusitées, ce qui écorche autant les oreilles que s'ils faisaient des liaisons ''mal-t-à-propos'' (les « C'était assez zéprouvant » et autres « J'ai une question n'à te poser » laissent quelque peu sceptiques). Il convient ensuite de ne pas être allergique à l'art religieux. En effet, délibérément à rebours de l'hystérie parisienne, le réalisateur prend le temps de s'intéresser aux détails (dans des plans très picturaux qui évoquent des natures mortes) et de contempler des œuvres d'art (Le sacrifice d'Isaac du Caravage, la Lamentation de la mère d'Euryale de Domenico Mazzocchi...). D'autre part, le film est découpé en cinq chapitres qui sont autant de paraboles bibliques qui questionnent la filiation à travers l'histoire de Marie, qui a donné naissance à Vincent contre le désir de son géniteur. Une suite de hasards amène l'enfant devenu adolescent à rencontrer son père et son oncle biologiques. Les deux hommes sont des archétypes antithétiques. Le premier est une figure méphistophélique, nécrosé par un narcissisme et un cynisme avancés, tandis que le second est un terrien dépourvu d'orgueil, bon apôtre qui va initier Vincent à la spiritualité et ainsi prendre la place du père qu'il n'a jamais eu. Cette rencontre transformante entre Vincent et Joseph, occasion d'une seconde naissance pour tous les deux, est vraiment touchante. Ce qui s'y joue est joliment exprimé par l'un de leurs dialogues métaphysiques : « Mais Joseph n'est pas le père de Jésus... – Si, c'est par son fils qu'il est devenu père ». On pourra trouver le tout caricatural et dégoulinant de bondieuseries. A moins de se laisser attendrir par l'appel que lance Eugène Green à résister à la superficialité contemporaine, et de savourer l'érudition de son film, truffé de références religieuses et d'humour littéraire.