Saul est un exploité dans le camp d'Auschwitz comme il en existe des centaines d'autres. Il dirige les juifs depuis les trains jusque dans les douches avant de récupérer les cadavres et les amener aux fours crématoires. Chaque jour, on l'appelle, lui et ses camarades, pour envoyer les siens à la mort. Un jour il croit reconnaître son fils.
Grand Prix du dernier festival de Cannes, Le Fils de Saul avait divisé le public et la critique lors de son passage sur la croisette. Et après visionnage on comprend aisément pourquoi, d'une part ce prix lui a été attribué et d'autre part tous les reproches qui peuvent lui être attribué.



"Le cinéma est une réinterprétation du monde"



D'un point de vue purement cinématographique, il n'y a pas grand chose à reprocher à László Nemes. Ses partis pris de réalisations sont justifiés, prennent sens lors de chaque minute de son film, film qui devient dès la première séquence, une expérience sensorielle. Si le cinéma est une réinterprétation du monde, Nemes lui ne se préoccupe pas de retranscrire de façon visuelle l'holocauste nazi. Sa focale fixe collé au personnage principale et la faible profondeur de champ faisant le reste, plongeant le spectateur dans un flou total. Nemes n'est pas là pour prendre celui-ci par la main, le spectateur, au même titre que les personnages, est un acteur du film, dans le sens où chaque choix du réalisateur porte un sens que chacun se devra de lire et de déchiffrer.
Le manque de repère visuel incite, inconsciemment, le spectateur à ouvrir plus fortement ses autres sens, et c'est là que l'on ressort un travail sur le son remarquable. Si on est bien placé dans la salle, le spectre sonore doit être parfaitement occupé, l'attention porté aux bruitages et à l'ambiance sonore est particulièrement intéressante.
Le choix de ne pas réinterpréter la Shoah est un idée forte également, bien qu'elle ne soit pas totalement absente, puisque le flou est tout de même visuel avant d'être artistique. Mais l'idée principale de coller son personnage au plus près et de limiter le champ visuel permet donc de ressentir plus que de voir et c'est là qu'est le point le plus fort du film.



La queue du serpent



Mais paradoxalement le film révélera que sa force principale est également sa plus grande faiblesse. Les choix de mise en scène de son réalisateur en deviennent affreusement lourds et oppressant. Certes le but était de créer l'oppression et l'anxiété chez le spectateur, mais ça en devient épuisant, ce qui impacte directement le ressenti du spectateur sur le film. Et là où l'exercice de style devait être un tour de force, il s'essouffle et manque sa cible. Résultat de l'histoire, le personnage principal reste une forme froide pour lequel on ne ressent pas ce sentiment d'empathie nécessaire pour que les partis pris de mise en scène fonctionnent à plein régime. Et petit à petit on se rend compte que le film est un vide scénaristique assez fort, puisqu'on suit un mec, pour lequel on ne ressent rien, chercher un rabbin pendant 1h45 au milieu de la brutalité d'Auschwitz. Je veux bien être bon public mais je n'ai pas pu accrocher à cette histoire. Au final on a plus l'impression que Nemes tourne en rond en abusant de sa technique de base, et essaye tant bien que mal de finir son film. Un peu comme un serpent qui, à force de tourner, finirait par se mordre la queue.


Mais je suis tout de même mauvaise langue, ce n'est pas un si mauvais film que ça. Même si je n'ai pas accroché plus que ça, le film regorge de bonnes idées, ce qui est d'autant plus regrettable quand on arrive au bout du film. D'autant que le personnage de Saul a tout pour être très intéressant, mais comme l'arrière plan, il reste flou. Ceci dit, je sais également que c'est un avis très personnel, et que le film parlera beaucoup plus à d'autres personnes. N'est ce pas finalement le destin de la plupart des films primés à Cannes que d'être contesté ?

Strangelove
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le 13 nov. 2015

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