Exercice d'hostile
Le premier quart d'heure est terrassant de puissance. La façon qu'à László Nemes de suivre Saul à hauteur d'épaule est aussi redoutable qu'efficace. D'abord parce que cela oblige le spectateur à...
Par
le 20 nov. 2015
68 j'aime
11
Le premier quart d'heure est terrassant de puissance. La façon qu'à László Nemes de suivre Saul à hauteur d'épaule est aussi redoutable qu'efficace. D'abord parce que cela oblige le spectateur à reconstituer ce qu'il vient de voir dans les minutes précédentes avec l'effroi de l'intellect qui se superpose à celui du spectateur, ensuite et surtout parce que l'horreur au cinéma est toujours bien plus forte par ce qui survient hors champ.
La sidération face à l'inadmissible n'a pas besoin du détail des corps nus entassés pour pleinement se ressentir. Le flou ambiant entourant les actions frénétiques du personnage principal ne permet de cerner qu'avec plus de netteté sa quête absurde et vitale n'ayant qu'un but, absolu: la survie de son corps et celle (intimement liée et tout aussi essentielle et dérisoire) de ce qui pourrait ressembler à une âme.
Et puis, petit à petit, l'étreinte se desserre.
L'audace du réalisateur se retourne progressivement contre lui. Alors qu'il a d'abord frappé par sa radicalité, le procédé narratif devient asphyxiant. Au fil des minutes, nous sortons du camp de concentration pour revenir dans une salle de cinéma.
Le flou devient alors centripète. On ne comprend que trop bien le sens des actions de Saul alors que les moyens qu'il emprunte pour y parvenir deviennent abscons: les voix se mêlent, les visages deviennent interchangeables, les tentatives désespérées des uns et les buts frénétiques des autres se diluent et se perdent. L'émotion s'estompe et Saul n'est plus pleureur.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Un enfant de perdu, dix idées de scénar trouvées, C'est mon dernier mot, Jean-Pierre, Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses. et 2015, l'année vrose obsessionnelle
Créée
le 20 nov. 2015
Critique lue 2.9K fois
68 j'aime
11 commentaires
D'autres avis sur Le Fils de Saul
Le premier quart d'heure est terrassant de puissance. La façon qu'à László Nemes de suivre Saul à hauteur d'épaule est aussi redoutable qu'efficace. D'abord parce que cela oblige le spectateur à...
Par
le 20 nov. 2015
68 j'aime
11
Je suis presque honteuse au moment de reconnaître qu’un film d’une telle force m’a laissée de marbre. Et cette culpabilité même rajoute à mon antipathie. Car si ce film sait par instants se montrer...
Par
le 4 nov. 2015
60 j'aime
11
Saul est un exploité dans le camp d'Auschwitz comme il en existe des centaines d'autres. Il dirige les juifs depuis les trains jusque dans les douches avant de récupérer les cadavres et les amener...
Par
le 13 nov. 2015
59 j'aime
18
Du même critique
Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...
Par
le 17 janv. 2013
343 j'aime
51
Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...
Par
le 31 déc. 2015
318 j'aime
43
Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...
Par
le 12 nov. 2014
299 j'aime
141