Ce film est avant tout un témoignage. Chris Marker recense ici toutes les images dont il peut disposer, certaines oubliées, jamais exploitées, de bobines d’archives à des chutes de reportages. Il redonne la parole à ceux qui d’après lui, collectivement, on façonné notre Histoire par leurs combats contre les pouvoirs qui dit-il nous voudraient sans mémoire.
Les images oscillant souvent entre plusieurs teintes de couleurs, de bleu à jaune en passant bien entendu par le rouge, passant d’un univers à l’autre, la bande sonore, composée par Chris Marker lui même, dégageant un climat presque mystique au moyen de touches musicales électroniques dissonantes, le film transporte dans une certaine poésie progressant dans le temps et l’histoire des luttes. De voix en voix, de témoignages en témoignages, Chris Marker déstructure et restructure son récit, il relie ou oppose les idées. Ainsi les révolutions cubaines trouvent écho dans le combat des syndicalistes français et d’un spectacle de danse vietnamien on assiste au discours absurde d’un militant néo nazi nord américain.
De la guerre du Vietnam à une chasse aux loups en France, tout semble lié, comme dans une suite cohérente. Chris Marker fait revivre l’Histoire et par l’aspect héroïque des luttes qu’il ne se cache pas de comparer à celles du Cuirassé Potemkine, c’est l’humain qu’il place au centre de son récit. De plus il souligne au générique final que les véritables auteurs du film sont tout ceux qui y ont contribué « les innombrables cameramen, preneurs de son, témoins et militants ».
Il n’est pas à perdre de vue que Chris Marker est avant tout un essayiste. Dans ce film comme dans toute sa filmographie il s’agira toujours d’une ferme prise de position toujours cependant dépeinte au travers d’une plaisante liberté. Marker ne fait pas dans la propagande, il propose une lecture mais ouvre à des possibilités, il ne dicte pas mais offre de feuilleter les événements par son regard, entre contradiction et dialectique.
Enfin le film s’achève presque comme il avait commencé, des loups se faisant abattre par hélicoptère comme les pilotes américains abattaient les viet-kongs dans les premières images du film. Chris Marker suggère-t-il ici que l’histoire doit continuer?
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