Deuxième film réalisé par Henri Verneuil, ce dernier a tourné sept fois avec Fernandel, essentiellement dans les années 1950. Ici, l'acteur incarne un médecin dans la ville d'Arles, marié en secondes noces depuis cinq ans à une femme plus intéressée par le prestige qu'autre chose, avec ses deux petites filles dont il ne s'occupe guère. Sa vie ronronne sévèrement, et elle va être bouleversée par l'arrivée d'une jeune femme croisée sur un quai de gare. Tous les deux vont avoir une liaison, et il semble prêt à tout pour vivre avec elle, sans que sa jalousie ne l'empêche de tourner en rond.
Avant tout, il faut dire que Fernandel y est formidable, dans un de ses rares rôles où il rit pas, où il reste sur un registre dramatique qui m'a impressionné. Il se montre un être colérique, donc faible, face à la jeunesse de Françoise Arnoul qui le désarçonne, notamment sa liberté de ton, et le peu de complexes qu'elle a avec son corps. On pense par moments à du film noir, où le personnage a l'air comme enfermé dans le cadre de l'image, où les digues vont sauter peu à peu. D'ailleurs, l'histoire se déroule à Arles mais on reconnait aussi la gare St Charles de Marseille.
Françoise Arnoul incarne une femme d'une autre époque, et c'est sur ces mots que le film va prendre une tournure plus dramatique, jusqu'à un final qui gâche tout de par son retour à la morale. En particulier la soudaine importance que va prendre Claude Nollier, qui incarne l'épouse bafouée, mais dont il est plus important d'être la femme de et bafouée, malgré le prestige qui va bien, plutôt que vivre seule et prendre le risque de faire une autre vie.
D'ailleurs, Le fruit défendu est tiré d'un roman de SImenon, qui finissait de façon plus tragique ; comme quoi, en 1952, la morale tenait bel et bien les rênes du cinéma. Dommage, car sans ça c'est vraiment passionnant, avec un Fernandel à l'opposé de ses rôles comiques, et cela a payé, car le film a été un énorme succès.