Le traditionnel coréen hors-compétition du Festival de Cannes l’est aussi par l’imagerie iconique travaillée depuis quelques décennies par un cinéma qui fait désormais autorité. Un polar classieux, une image rutilante, une plongée assez complaisante dans les milieux mafieux et une enquête prétexte à plusieurs morceaux de bravoure en termes de violence et d’action.
L’équation consiste ici à une alliance contre nature entre un flic et un baron de la pègre pour mettre fin aux agissements d’un tueur en série. Si l’enquête est loin d’être originale et souffre d’une certaine linéarité, alourdie par un portrait du tueur qui n’échappe pas aux clichés attendus, on comprend vite que ce n’est pas du côté de l’écriture qu’il faut chercher satisfaction. Sur ce canevas qu’on avait déjà vu brillamment exploité dans M. le Maudit de Lang, la ville est un vaste terrain de jeu dans lequel on lâche des meutes d’hommes de main à la recherche d’un grand méchant loup aussi redoutable que discret. C’est dans cette alternance entre les scènes collectives (baston générale, quadrillage des quartiers, prises de vue en plongée) et individuelles se focalisant sur le trio que le film trouve son rythme. Le portrait le plus aboutit reste celui du gangster : massif, violent (son usage du punching-ball, sac de cuir entourant un malheureux candidat au passage à tabac, marquera les mémoires) et sans concession, il concentre les lieux communs qui prennent ici la saveur des retrouvailles avec les incontournables du genre.
Le réalisateur sait se mettre au service des scènes d’action : dynamique, nerveuse, avec un sens aiguisé des espaces, sa mise en scène est performante et alimente tout ce qui fait la réelle saveur du film. Les cloisons explosent à tout va, les voitures font des saignées dans la ville, lors de courses qui détermineront qui du gangster ou du flic sera le premier à mettre la main sur le tueur, les dents sont arrachées à la main, les vitres se maculent de sang et les portières de voitures deviennent létales : un programme convenu, certes, mais mené tambour battant (ou plutôt à tombeau ouvert).
La bonne surprise réside aussi dans l’évolution du récit : à renfort de petits flash-back malicieux, l’intrigue générale s’enrichit progressivement, laissant à quelques moments bien choisis le spectateur dans le flou avant de dévoiler, au moment opportun, des ellipses stratégiques. Le dilemme posé, à savoir sur le châtiment à réserver au tueur (la vengeance meurtrière immédiate du gangster ou la loi et la justice raisonnée du flic) se dilate dans la dernière partie et gomme les paresses initiales pour aboutir à une résolution assez maligne qui parvient à contenter chaque camp ; cet équilibre final, qui substitue aux mandales les twists, rend ce petit polar d’été tout à fait sympathique.
(6,5/10)