Ce que les Coréens savent encore faire alors que le reste du monde, US et Europe principalement, l'ont oublié depuis un bon moment, et ce "le Gangster, le Flic et l'Assassin" le prouve, c'est du cinéma populaire qui ne soit ni démagogique ni simpliste (pléonasme ?). Oh, on est très loin ici de l'extraordinaire cinéma pratiqué par les "auteurs" locaux : ici, pas de mélange de genre, pas de discours politique ou philosophique derrière les grandes claques dans la tronche que se mettent les protagonistes sérieusement imbibés d'alcool, mais les basiques d'un bon film... C'est à dire une excellente histoire - basée sur des faits réels (on s'en fout !) -, remarquablement construite malgré sa complexité, et avec une conclusion subtile évitant le piège réactionnaire de la justification de la "vengeance individuelle" sans en nier le désir ; une mise en scène puissante, élégante, avec des scènes (nombreuses) de violence toujours lisibles mais évitant toute complaisance (à moins de considérer que leur "noirceur" est aussi une forme de complaisance...) ; et surtout deux interprètes remarquables sur les trois personnages principaux, qui élèvent le film au-dessus de ses mécanismes scénaristiques, aussi malins soient-ils...
Ma Dong-Seok, dans un rôle frôlant le stéréotype de truand quasi rabelaisien dans ses outrances, offre une démonstration magistrale de ce que "charisme" veut dire, tandis que Kim Sung-Kyu compose l'un de ces personnages de psychopathe effroyable susceptibles de marquer leur époque. Si l'on sort du film aussi ravis, c'est largement au talent de ces deux acteurs qu'on le doit.
[Critique écrite en 2019]