Après la demi-déception Le vent se lève auquel il manquait, selon moi, la magie des chefs d'œuvre de Miyazaki, voici venu Le Garçon et le Héron. Projet surprise, capable d'enflammer la toile avec une seule image, le dernier bébé du maître de l'animation japonaise s'inscrit-il dans l'héritage de ces immenses prédécesseurs ?
Évacuons d'emblée l'évidence ; le film est beau. Il est même magnifique. Les arrières plans sont extrêmement travaillés, tout fourmille de détails, c'est riche, coloré, vivant. Bref, d'un simple point de vue esthétique, Le Garçon et le Héron vaut déjà le détour. On y retrouve pêle-mêle toutes les obsessions de son auteur, comme ce rapport très sensuel aux fluides, qu'il s'agisse de transpiration, d'un océan, de nourritures, etc.
Comme on pouvait s'y attendre, les designs des différents protagonistes s’avèrent aussi très réussis. Comme un bilan de sa carrière, Miyazaki pioche dans sa propre mythologie pour offrir aux spectateurs des personnages haut en couleur, ce qui fait naître un étrange sentiment ; celui de connaître déjà tous ces personnages mais, en même temps, de les découvrir. Les perruches, à la fin drôles et effrayants de part leur nombre, sont l'une des grandes réussites du film. Aucune de leurs expressions ou de leurs gestes n'est anodine.
Il serait aisé de lister toutes les idées dont fourmille le long métrage mais ma véritable crainte avant d'aller voir le film portait sur l'histoire. Alors, Miyazaki a-t-il perdu sa capacité à faire rêver à travers des univers riches et enivrants ?
L'histoire que raconte Le Garçon et le Héron pourrait paraître assez simple ; un enfant traverse une sorte de portail qui va le transporter dans un autre monde. Mais réduire le film a ce simple concept serait bien triste. En réalité, Miyazaki nous offre une œuvre extrêmement dense, qui propose de nombreux niveaux de lectures. Ce monde étrange où se retrouve Mahito, le personnage principal, fait en réalité office de parcours initiatique pour son jeune héros. Après la mort tragique de sa mère, ce dernier se doit de faire son deuil, symbolisé par le feu. Mais, thème plus intéressant, il se retrouve aussi à devoir accepter Natsuko, sa nouvelle mère. L'aventure est tournée autour de cette quête, jusqu'à la scène mémorable où Natsuko accouche métaphoriquement de Mahito.
Le film est sujet à de multiples interprétations. Hayao Miyazaki s'en amuse même parfois, à travers de dialogues qui peuvent sonner méta, jusqu'à la scène finale, où le bâtisseur de cet étrange monde ne peut que faire penser à Miyazaki lui-même. A travers ses thèmes variés, Le Garçon et le Héron est un film passionnant, qui ne tombe jamais dans la facilité. Ses différentes couches de lecture ne perturbent pourtant en rien l'action. Le film est dynamique et très bien rythmé : haletant quand il doit l'être et contemplatif quand il le faut. Le tout, évidemment, accompagné d'une excellente bande originale.
Puisque c'est l'exercice de la critique qui le veut, il ne serait pas envisageable de mettre un point final sans évoquer les possibles défauts du long métrage. En réalité, je n'aurais qu'une remarque à formuler qui porte sur le comportement du personnage principal ; alors que Mahito est censé être un enfant, son comportement se rapproche bien trop de celui d'un adulte, ce qui engendre de la confusion dans la lecture de l'action et dans la façon de considérer ce personnage, qui n'a parfois d'enfant que les traits. Cette caractéristique ne semble toutefois pas incohérente dans l'autre monde mais elle n'a pas de véritable raison dans le "vrai" monde. C'est un reproche que je pourrais certainement faire à toute la filmographie de Miyazaki, mais il se trouve, dans le cas du Garçon et du Héron, accentué.
D'une démesure folle, Le Garçon et le Héron est un pari réussi haut la main par Hayao Miyazaki. Le film est passionnant, magnifique et tellement généreux. Comme un bilan de sa carrière, Miyazaki y fait côtoyer toutes les obsessions qui ont fait de lui l'un des géants du cinéma. Plus qu'une immense auto référence, Le Garçon et le Héron ne cesse de requestionner les thèmes essentiels de la filmographie de son auteur. Le fan de toujours y retrouvera la magie des grands classiques, avec la fraîcheur de la nouveauté et la fougue de la jeunesse d'un octogénaire. Les néophytes, quant à eux, apprécieront une œuvre extrêmement riche, véritable porte d'entrée vers l'univers de Miyazaki.