Amateur inconditionnel de toute l'œuvre de Hayao Myazaki, je ne puis que constater que cette dernière (?) œuvre se présente comme un testament du maître de l'animation nippone.
Nul besoin d'être féru en psychanalyse pour relever les échos du passé du réalisateur et ses inquiétudes quant à l'avenir : la douleur inconsolable d'un enfant qui perd sa mère trop tôt, les stigmates de la guerre, la passion d'un père pour les aéronefs, un tunnel lumineux qui mène vers un ailleurs... la vie d'un homme de plus de 80 ans qui s'interroge, à l'instar du maître de la tour, sur sa fin de vie et le devenir de son héritage. Qui pour prendre le relais de l'œuvre d'une existence entière ?
Ajoutez à cela l'influence du shintoïsme et la présence récurrente des kamis et autres yôkai s'explique tout naturellement. C'est donc dans un univers familier que s'aventure le spectateur, façonné de passages sylvestres qui mènent d'un monde à un autre, plus onirique. Il y sera alors question de surmonter les traumas, d'avancer dans un univers sombre et merveilleux, davantage que la réalité humaine plus crue. Comme l'indique le maître de la tour, le monde s'effondre et la nature en est le témoin sacrificiel. De bien sombres nuées s'annoncent dans cet animé crépusculaire.
Au cœur de cette grisaille un peu déprimante, la lumière apparaît, au travers de ces fonds toujours aussi somptueux : cuivres, mobilier, architectures, paysages enchantent encore et toujours l'enfant qui sommeille en nous. Et ce vent, ce vent qui se lève et bouscule de ses fortes bourrasques les oiseaux, les nuages, les frêles esquifs...
Ajoutez également la somptueuse musique de Joe Hisaishi et le voyage est complet, itérative aventure surgie des visions du maître depuis tant d'années.
Alors certes, ce n'est pas la plus puissante de ses oeuvres mais c'est l'une des plus personnelles, des plus intimes qui soient. C'est le récit autobiographique d'un homme qui s'approche du dernier seuil, prêt à franchir l'ultime étape qui le conduira vers un monde différent, hors de l'espace et du temps. Le garçon suivra alors le héron.