Rédemption
Le génie du mal n'est pas un film agissant directement sur nos émotions. Dés les premiers instants,nous nous positionnons plutôt comme des criminologues, observateurs minutieux d'une jeunesse...
le 19 avr. 2020
8 j'aime
5
A la base des crimes, il y a souvent un péché capital. Ici ce n'est ni la luxure ni l'envie mais la vanité. Notre mensonge quotidien. Un défaut qui fonctionne comme un opiacé. Une tambouille d'assurance et de failles, de prétention et de doutes, une misanthropie et une mégalomanie condamnées à la frustration dans une société qui se rêve égalitaire.
Se sentir supérieur, le dire, l'expliquer, le démontrer, le prouver, obtenir de tous ces "autres" cette contemplation de soi si anoblissante, galvanisante. Aussi brillant que l'on puisse être, c'est toujours par l'autre que passe la confirmation, et le crime ici fait office de "shoot narcissique" pour les 2 héros.
Les criminels, si souvent, sont ainsi : Imbus d'eux mêmes, convaincus de détenir plus de droits que leurs congénères, bercés par la violence de leurs émotions ils deviennent incapables de les rationaliser. On a souvent cette image, portée par le cinéma et la littérature policière, du criminel surdoué, mais la réalité est bien moins glamour; l'immense majorité ayant une intelligence tout bêtement "normale" voire un peu en dessous de la moyenne. Ce qui est à la manœuvre ce n'est d'ailleurs pas l'intelligence mais la surévaluation de soi, de ses capacités puis aussi et surtout de ses émotions. C'est un classique de la délinquance que de contempler son propre malheur, sa propre valeur et de s'en servir pour justifier un comportement asocial. Crimen en latin signifie "contestation ou réclamation" et c'est toujours ce qu'est un crime au fond : la contestation d'une liberté (d'être ou d'avoir pour autrui...) et la réclamation d'un droit intra-personnel hiérarchiquement prévalent.
Balzac disait qu' "Un crime est avant tout un manque de raisonnement". Cette affaire-ci ne dément pas l'affirmation, puisque les deux "cerveaux" commettent une erreur - tellement aberrante qu'elle paraît inconsciente - qui les trahira. Car ce "manque de raisonnement" est avant tout une ignorance de soi, des autres, de la vie. Le film donne des clés de lecture pertinentes. Le scénario s'attarde cependant plus sur la personnalité de Judd (assassin n°2) que sur celle de Artie (assassin n°1) beaucoup plus froide, lisse, typique. Judd n'est pas exempte de doutes, ce n'est pas un meneur. Mais la banalité de son entourage, l'ennui de son existence - au fond il n'a pas d'amis en dehors d'Artie - détone avec sa grande intelligence puis son hypersensibilité prend le relais, il a besoin d'exister "encore plus", de braver les interdits "encore plus".
Le film aurait pu se contenter de traiter les meurtriers de manière laconique et se concentrer sur le procès - et plaidoyer - contre la peine de mort, mais subtilement il dresse deux vrais portraits psychologiques. La classe sociale des meurtriers également, est un sous-thème surprise, traité avec finesse. Orson Welles joue le rôle de l'avocat des inculpés, un défenseur éreinté mais résolu. Le film offre un réquisitoire final particulièrement éloquent, sans complaisance ni pathos, puissant - judiciairement malin aussi- et remarquablement interprété par Welles.
A voir. Really.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Films avec la meilleure performance d'acteurs/actrices et Bons films "Justice et affaires criminelles"
Créée
le 28 févr. 2017
Critique lue 358 fois
2 j'aime
4 commentaires
D'autres avis sur Le Génie du mal
Le génie du mal n'est pas un film agissant directement sur nos émotions. Dés les premiers instants,nous nous positionnons plutôt comme des criminologues, observateurs minutieux d'une jeunesse...
le 19 avr. 2020
8 j'aime
5
Deux jeunes gens de la haute société américaine partagent le mépris de leurs semblables, et ne rêvent que d'actes criminels qui les affranchissent du respect des lois. Le plus doué d'entre eux,...
le 16 nov. 2015
8 j'aime
6
Un bon petit polar plaisant. L'idée d'adopter le point de vue des tueurs est intéressante, cela permet de déplacer les conflits. De plus, le spersonnages sont assez bien construits ; j'ai beaucoup...
Par
le 11 oct. 2014
7 j'aime
Du même critique
Le puisatier, c'est l'immense Raimu que l'on retrouve ici en père de famille nombreuse (6 filles) et qui excelle, comme toujours, dans son rôle de bougon au grand cœur. Patricia Amoretti, joué par la...
Par
le 22 sept. 2015
6 j'aime
La petite station balnéaire de Graves Point est la victime d'un monstre marin tout ce qu'il y a de plus réel quoique rarissime : l'Architeuthis ou "calamar géant". Cet animal est mythique, encore...
Par
le 16 févr. 2015
6 j'aime
2
Remarquablement bien écrit, en français bien que ce ne soit pas sa langue maternelle. Sa vie fut rocambolesque, quoiqu'on ne doute pas que le personnage en rajoute une couche pour le panache...
Par
le 2 févr. 2015
6 j'aime