"It just irritates me to see anyone as brilliant as you make a jackass out of himself."

Premier film de l'ère du cinéma classique d'Hollywood que je vois signé de la main de Richard Fleischer, même si la figure du mal aura largement irrigué la majorité de sa filmographie dans d'autres registres. Cette composante empreinte de classicisme n'est pas pour me déplaire et surprend quelque peu de la part d'un réalisateur par ailleurs connu pour ses charges frontales — Mandingo et Soleil Vert, par exemple, sont de très bons films mais évoluent dans un registre plus frondeur disons, et tout ça sans citer Red Sonja aka Kalidor (un plaisir coupable), sommet de heroic fantasy de série Z, bien entendu... C'est en outre l'occasion d'observer une nouvelle exploitation de l'affaire Leopold et Loeb qui avait secoué les États-Unis en 1924, du nom du procès de deux jeunes étudiants en droit de l'université de Chicago, arrêtés et condamnés à l'âge de 18 et 19 ans pour l'enlèvement et le meurtre d'un adolescent de 14 ans. Ils voulaient commettre le fameux crime parfait, avec une attitude très claire, celle de la démonstration de leur prétendue supériorité intellectuelle qui les placerait au-dessus de la loi. Pas de bol, ils se sont trompés. Alfred Hitchcock sera l'auteur du premier film inspiré de ces faits avec La Corde en 1948.


On est quand même rapidement marqué par le côté un peu daté de la trame, en mettant de côté tout ce qui a trait à l'esthétique — certaines choses ont conservé leur charme là où d'autres ont subi les assauts du temps plus vigoureusement. Je dois avouer que le jeu très affecté de Dean Stockwell et Bradford Dillman dans le rôle des deux jeunes criminels m'a plutôt dérangé, même si la finalité et l'exécution du programme s'opèrent sans anicroche, c'est très propre et fondé sur des bases assez solides. Disons que les acteurs en font des caisses pour montrer la supériorité de leur statut social et de ce qu'ils considèrent en découler en matière d'intelligence, mais que ça ne tue pas tout.


Le film est agréablement composé de deux parties, une longue première sur l'observation de leur environnement (jusqu'au crime, qu'on ne verra pas) et une plus courte consacrée au procès, dans lequel intervient le monstre, Orson Welles en personne, jouant le rôle de l'avocat de la défense avec ses 2 kilos de maquillage habituels. L'acteur prononce des phrases issues de la vraie enquête / plaidoirie, en s'inspirant d'un avocat célèbre à l'époque Clarence Darrow — connu pour son athéisme, chose rare aux États-Unis. De la même manière que la supériorité des étudiants est illustrée avec quelques excès (la séquence de cours sur le thème de l'übermensch de Nietzsche, les tempéraments de dominant / dominé), la plaidoirie basée sur l'opposition à la peine de mort convoquant vertu, pitié, compassion et amour a pas mal vieilli dans la forme. Elle reste toutefois éminemment pertinente, dans ce qu'elle révèle du côté de l'accusation qui, à son tour, à tendance à se croire moralement supérieure en exigeant la peine de mort.


Le Génie du mal reste quand même intéressant dans son discours, dans sa façon de montrer comment le contexte social des familles aussi riches qu'arrogantes a contribué à former de telles personnalités, se croyant au-dessus des conventions morales. Jusque dans la pathologie, l'un des deux s'amusant en aidant l'enquête, et auteur d'un mépris qui le conduira à sa perte — le film les diagnostique d'ailleurs paranoïaque et schizophrène, l'occasion d'en faire un peu trop (le dialogue avec l'ours en peluche par exemple). Orson Welles a beau exagérer de manière démentielle lors du procès, sermonner la salle jusqu'à son président (il lui fait carrément baisser les yeux), avec un petit côté étalage de bons sentiments dont l'audace s'est probablement perdue au cours des 60 années qui nous séparent de la sortie du film, cette dernière partie conserve un certain potentiel captivant.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Genie-du-mal-de-Richard-Fleischer-1959

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le 8 févr. 2024

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Morrinson

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