Peinture incroyablement touchante d'un été lumineux au bord du Lac d'Annecy, et de la ridicule mais émouvante complexité de jeux amoureux précieux et puérils, "le Genou de Claire" est le cinquième "Conte Moral", et est généralement considéré comme l'un des tous meilleurs Rohmer. D'abord parce qu'il célébrait magnifiquement cet "esprit français" hérité du XVIIIe siècle, ce dialogue libre entre les hommes et les femmes, l'amour et l'amitié : vu de 2017, il est d'ailleurs frappant combien on était, en ce début des années 70, loin du politiquement correct qui sévit de nos jours, les objets de désir du personnage principal, joué par un Jean-Claude Brialy déjà mûr, qui trouvait là sans doute son meilleur rôle, n'étant pas "majeures" ! Ensuite, ce qui est littéralement magique ici, c'est la manière dont Rohmer questionne le désir masculin, la soif de posséder l'autre, à travers l'irruption à la moitié du film (quel culot...!) du "petit cinéma" d'une minette (la fameuse Claire) au milieu du "petit théâtre" des marivaudages et des babillages habituels à son cinéma. Sur le thème du temps qui passe, et non sans quelques détours par la littérature qui semblent tout justifier, tout expliquer, voici une une toute petite histoire grâce à laquelle Rohmer nous fait encore et toujours rêver de l'infinie sensualité des meilleurs moments de la vie.
PS : Notons aussi combien la toute jeune Béatrice Romand enchante ici, et combien un adolescent blond nommé Fabrice Luchini séduit déjà avec un phrasé et une sensibilité exemplaires. Deux autres excellentes raisons de se laisser aller au plaisir inusable du "Genou de Claire" !
[Critique écrite en 1995, 1999 et mise en forme en 2017]