Un genou qui manque de chair
Premier long-métrage d'Eric Rohmer à être visionné par ma modeste personne, je savais d'avance qu'il s'agirait d'un film bavard, où l'action brille par son absence, mais j'en avais également entendu parler comme d'une brillante réflexion sur le désir, où la caresse d'un genou symbolise l'étreinte érotique de deux êtres.
Pour exposer leur propos sur l'amour, le désir, le couple, les personnages parlent donc. Parlent beaucoup. Sans doute trop : la romantique que je suis estime que parfois ce genre de choses peuvent passer autrement que par un blabla incessant, que les sentiments, au lieu d'être disséqués en permanence, expliqués, analysés, peuvent aussi se transmettre par un regard, un geste, ou tout simplement un silence. De minuscules instants naissent ainsi dans le film mais demeurent noyés dans le flot de parole, qui à mon sens ôte une grande partie de la poésie capable de naître de nombreuses scènes au décor quasi onirique.
De plus je ne m'attendais pas à un film charnel au sens propre du terme, il était clair que le seul geste au penchant érotique se bornerait à un genou. Mais pour un film qui traite de l'amour et du désir, tout est tellement...plat ! Certes on a bien le regard du héros sur les corps bronzées des adolescentes jouant au volley et ses nombreux coups d'oeil au fameux genou, mais ne naissent de ces plans aucune tension, ni affective, ni sexuelle. Et lorsque le héros expose ses échecs avec Claire ou cette envie irrépressible d'atteindre son genou, on a l'impression qu'il s'en fiche éperdument, que c'est purement intellectuel, alors que chacun reconnaîtra que le désir naît pour une part de l'instinct, s'apparente à quelque chose de presque animal dont on ne connait pas forcément la raison.
Mais tout ça n'est pas le principal problème du film. Le gros souci réside dans les dialogues. Et c'est tout de même un poil embêtant dans un long-métrage qui ne se base QUE sur eux ! Ils sont brillants, ils portent en eux un point de vue complet, intéressant, ils sont omniprésents : ils sont étouffants. Ils étouffent le spectateur qui au bout d'un moment commence à se fatiguer d'entendre débattre éternellement et surtout ils étouffent les acteurs. Les pauvres interprètes sont coincés par la sur-avalanche de phrases riches et pointues ce qui donne lieu à des discussions atones sans une once de naturelle, notamment entre le héros et Laura. Cette dernière explique que lorsqu'elle est amoureuse "elle ne vit plus", se trouvant en face d'un homme dont elle est apparemment entichée, et débite cela sur un ton froid, mécanique, qui sert du coup vraiment mal le propos.
Par conséquent je suis vraiment passée à côté du film et de son propos, le jeu et les dialogues formant une barrière infranchissable à mon sens, m’apercevant avec regret que la seule chose sur laquelle je parvenais à me consacrer c'était mon ennui.