Le Goût des autres, c'est d'abord et avant tout un film d'acteurs. Le film de (et avec) Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri réunit un ensemble de personnages minutieusement choisis et assemblés, comme un puzzle humain et le résultat est tout simplement jubilatoire.
La structure du scénario et la qualité de son écriture nous pousse à tout repenser sur les personnages que nous tenions déjà pour acquis. Cette qualité d'écriture se voit surtout dans les dialogues, tous d'une finesse incroyable. Quant au scénario, il s'articule autour de différents arcs narratifs de personnages tous complexes et ambivalents. Lorsque le visionnage sera terminé, vous n’en croirez pas vos yeux, tellement votre cerveau en sera retourné.
Le thème principal du film, ce sont les paires de couples dépareillés. M. Castella (Jean-Pierre Bacri) est dans un mariage malheureux, dû au fait que sa femme déteste les gens et préfère les animaux, ce qui en fait une bien mauvaise partenaire pour lui. Quand le chien de cette terrible femme mord un passant, au lieu de montrer de la sympathie, elle blâme le pauvre homme. Ensuite, vous découvrez que son chien mord les gens tout le temps, mais c’est toujours la faute de la victime. Ensuite, M. et Mme Castella vont à une pièce de théâtre et Mme Castella trouve à redire sur tout.
M. Castella déteste généralement le théâtre, mais est hypnotisé par la performance de l’une des actrices, la même femme qui lui donne des cours d’anglais. M. Castella passe une grande partie du film à tenter de se rapprocher de cette actrice (Anne Alvaro) et de ses amis bohèmes, même s’il n’a vraiment rien en commun avec eux et semble n’avoir aucune chance avec elle.
D'autres personnages secondaires qui gravitent autour du couple Castella, exploitent également le thème des couples dépareillés. Mme Castella essaie, pour une fois, de tendre la main à sa belle-sœur séparée. Il y a aussi Agnès Jaoui qui travaille dans un bar et qui tour à tour est séduite par le chauffeur de M. Castella (Alain Chabat) puis par son garde du corps (Gérard Lanvin). Toutes ces relations sont difficiles, voire impossibles. Certaines fonctionnent malgré tout, d’autres non. Bien que je ne croie pas vraiment au vieil axiome selon lequel « les contraires s’attirent », le film est suffisamment intelligent et bien fait, avec un jeu d'acteurs très crédible, pour nous faire croire que ce sont de vraies personnes.
La confiance, l’intelligence et l’humour avec lesquels Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri présentent ces vies enchevêtrées, sont un plaisir certain et offre une alternative rafraîchissante aux comédies romantiques plus classiques. Et puis, Jean-Pierre Bacri est une fois de plus formidable et c'est probablement son plus grand rôle. J'aime vraiment ce personnage de vieux bougon fort sympathique, qu'il interprète films après films.
Le film est magnifiquement rythmé et stimulant. Les prémisses du film n’est pas de savoir si les contraires s'attirent (ce qui ne serait pas nouveau), mais si nos idées préconçues nous maintiennent fermés à de nouvelles personnes et à de nouvelles expériences. Avec un petit coup du destin, les personnages de ce film si charmant prennent de profondes respirations, regardent à nouveau les gens et les situations, et voient ce qui leur manquait dans leur vie auparavant. L'art (ici le théâtre) nous enrichit et nous aide à abandonner les vieilles idées préconçues.
Même plus de 20 ans après, Le Goût des autres c'est un film qui n'a rien perdu de sa fraicheur et l’un des meilleurs films d’acteurs que vous puissiez voir.