Voila un film assez connu qu'il m'a été donné de revoir, je ne l'avais qu'apprécié modéremment lors d'un vieux visionnage au cinéma de minuit, mais je lui ai trouvé d'indéniables qualités ; cependant, je conserve ma note parce que si je reconnais le talent, ce n'est pas un sujet qui trouve mes préférences.
Quelques temps après avoir été partenaires sur Trapèze, Burt Lancaster et Tony Curtis se retrouvent ici à produire ce film dont les personnages sont aux antipodes des héros positifs qu'on leur confiait à Hollywood à cette époque ; voulant sortir des sentiers battus, ils en confient la réalisation à Alexander Mackendrick, réalisateur de comédies britanniques dont on garde en mémoire l'excellent Tueurs de dames en 1955.
Avec l'oeil lucide et dévastateur, le réalisateur nous plonge dans le Broadway nocturne des années 50, sur lequel règne un chroniqueur machiavélique de journal à sensation qui charge un publiciste arriviste et sans scrupule de mettre fin à l'idylle de sa soeur qu'il adore, avec un musicien de jazz. Le trait qui cerne J.J. Hunsecker (Lancaster), l'éditorialiste redouté, et Sydney Falco (Curtis), son âme damnée, est d'une précision redoutable, il s'agit d'un film réquisitoire qui démonte les combines, les coups fourrés, les servitudes, les ambitions mégalomanes, les alliances douteuses, les intrigues et les pressions insidieuses qui alimentent une certaine presse. C'est une vraie jungle, une foire d'empoigne où triomphent le cynisme, la compromission et le mensonge, et c'est asséné avec une précision implacable.
Traité dans un style presque documentaire, c'est un film noir, sombre et saisissant où la caméra surprend des secrets avec une vraie continuité dramatique sans ommettre un détail. Le duo de stars est époustouflant, c'est un grand film d'acteurs où Lancaster est hyper glacial et terrifiant de cynisme en étant entouré d'un essaim grouillant d'agents véreux, de starlettes écervelées, d'entraineuses paumées, de politiciens et de flics corrompus, tout comme Curtis en arriviste forcené dont le jeu fébrile s'accorde bien à celui de son partenaire, c'est d'ailleurs son premier vrai grand rôle dramatique qui le sortait des bluettes exotiques, le genre de rôle qu'il ne retrouvera que très rarement par la suite (notamment dans L'Etrangleur de Boston). Un film édifiant dont le titre original est beaucoup plus subtil que le titre français plus passe-partout.