Le meilleur scénariste actuel passe pour la première fois derrière la caméra. Come on people, let’s get excited !
« Aaron Sorkin, you’re crazy. I don’t know why you would write that amont of dialogue for people to say. », c’est la déclaration que lui fit Kate Winslet lorsqu’elle remporta le Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle pour Steve Jobs. Elle ajouta : « I would happily end my life knowing that I’ve spoken your words ».
Le travail de scénariste est rarement mis en lumière ces dernières années, et celui de dialoguiste encore moins. Pourtant, Aaron Sorkin est un véritable sorcier. Sa capacité à universaliser une histoire singulière était particulièrement frappante dans Steve Jobs, et l’est peut-être encore plus dans Le Grand Jeu, d'autant qu'il y reprend ce avec quoi il se sent à l'aise dans son travail d'écriture, comme le triple niveau d'intrigues. Personne ne s’y trompera : ce n’est pas un film sur le poker. C’est un film sur la figure de Molly Bloom, mais Sorkin ne tombe à aucun moment dans l’écueil du biopic intéressant, mais pas particulièrement parlant. A travers son personnage principal, il s’adresse à tous, en soignant l’introspection psychologique, glorifiant les qualités, ne taisant pas les défauts.
Un personnage porté par une Jessica Chastain survoltée, sublimée par la masse incommensurable de dialogues qu’elle parvient à ingurgiter et à nous retranscrire tout en apportant au personnage sa touche personnelle, sa fébrilité, son humanité. Les échanges avec Idris Elba sont croustillants au possible.
2h20 de Jessica Chastain donc, presque uniquement de Jessica Chastain, qui mange la caméra durant tout le film (elle est là tout le temps, et même quand elle n'est pas physiquement là, elle est là en voix off), et cela suffit à faire du Grand Jeu une réussite. Nous l’avons dit, il ne s’agit pas d’un film sur le poker, et pourtant Sorkin retranscrit à merveille la tension suscitée par le jeu. On a la boule au ventre à chaque grosse main, et même si les initiés ne manqueront pas de relever quelques aberrations sur la façon de jouer des protagonistes, l’essentiel est ailleurs, dans ce personnage, dans cette sorte de Gatsby au féminin, dans ce qu’il nous dit de lui et de la société.
Certes, dans l’absolu, Le Grand Jeu n’est pas un film révolutionnaire. Certes, il n’aborde pas une multitude de facettes, visibles ou cachées. Mais il se suffit à lui-même, par une multitude de réussites (scénario, dialogues, jeu des acteurs, costumes), qui, mises bout à bout, donnent un ensemble… Jouissif.