Je me demande parfois, à l'entrée de la salle, où sont passés les prescripteurs culturels. Ceux qui vous disent que Disney, c'est nécessairement de la sous-culture qu'il faut euthanasier d'urgence, que Miyazaki, ce n'est plus ce que c'était, en faisant la fine bouche, ou encore que Makoto Shinkai, c'est rempli de lens flare et trop cucul la praline pour eux.
Je me demande où ils sont, tous ceux-là, quand je rentre dans la salle vide de mon cinéma passant Le Grand Magasin, et qui lancera le film en mode séance privée une heure dix durant.
Parce que bon Dieu, même si c'est adapté d'un manga, en voilà de l'originalité thématique, de la fantaisie et de la magie idéale pour accompagner la fin de l'année et le début de la suivante.
Parce que l'oeuvre porte, sur ses personnages, ses situations et son propos, un regard bienveillant et amusé. Un regard pétillant épousant l'enthousiasme maladroit de la jeune Akino, à qui l'on conseille de percevoir dans l'oeil de sa clientèle de quoi ils ont besoin.
Le Grand Magasin s'impose comme bien plus que la publicité pour le temple de la consommation que certains esprits chagrins se sont empressés de voir. Car il s'agit aussi du grand théâtre d'un parcours de vie, d'un lieu de partage ou de rêve, d'un refuge, de l'expression de la diversité ou des petites peurs qui nous paralysent.
Un Grand Magasin qui abrite finalement, une sorte d'utopie doucereuse et fantastique, où l'on apprend que l'animal roi de ses galerie est issu d'une espèce en voie de disparition, ou carrément éteinte de la faute de l'homme, qui n'aura pas attendu l'avènement du consumérisme pour s'en donner à cœur joie et détruire son environnement immédiat.
Au spectateur, donc, de réfléchir un tantinet sur ses habitudes et ses pratiques à la suite du renversement des perspectives pratiqué par le film, reposant sur un étonnant pas de deux. Car à la fraîcheur et la bienveillance succède pat instant une drôle de mélancolie, à l'idée qu'hormis dans ce grand magasin, les espèces qui y évoluent ne seront plus jamais visibles pour nous.
Un étonnant pas de deux identique est emprunté par le film pour dépeindre les méthodes de management de l'établissement et la pression pesant sur les épaules d'Akino. Car l'on rit de bon cœur devant chaque apparition de son supérieur, qui surgit des endroits les plus improbables pour la garder à l'oeil. Mais c'est aussi la violence de l'encadrement et de certaines situations qui guide aussi le propos.
Et, chose surprenante, malgré ce qui pourrait apparaître comme contradictoire, Le Grand Magasin forme un tout harmonieux et délicieux tenant d'une forme de magie de l'animation.
Une magie dont il serait dommage de ne pas profiter.
Behind_the_Mask, qui est loin d'être un cadeau.