... Toc... Toc... Toc! Trois coups et le rideaux se lève sur une bucolique petite ferme. Enfin... pas tout à fait, ou en tout cas pas tout de suite: tout ce petit monde à poils ou à plumes joue à ne pas être prêt. D'emblée sympathiques avec leurs grands yeux naïfs et leur bouille esquissée en quelques traits ronds, ils s'agitent et s'interpellent de part et d'autre de la scène qui occupe l'écran, sur fond de cordes qui s'accordent.
Ces petits intermèdes scéniques plutôt drolatiques qui ponctuent le récit donnent le ton de ce que sera ce Grand Méchant Renard, et surtout fait le lien entre les trois fables qui composent ce "film-omnibus". Un procédé qui n'est pas nouveau mais qui permet habilement aux deux réalisateurs de nous laisser respirer à la fin de chaque histoire pour mieux nous faire entrer dans la suivante. Les personnages se mettent en scène et jouent les maîtres de cérémonie, comme doués d'une vie propre. Cela ne dure pas, bien sûr, et très vite le rideau se lève pour de bon.


Ce n'est donc pas une seule et unique histoire que nous propose Benjamin Renner et Patrick Imbert, mais trois historiettes. Si le duo s'est partagé la réalisation, l'un chargé du segment central qui donne son titre au film, l'autre des deux contes qui l'encadrent, tous les personnages et leurs aventures sont issues de la bande-dessinée de Renner. L'auteur n'en est pas pour autant à son premier essai animé: il s'est déjà essayé aux courts-métrages, et surtout il a collaboré en 2012 avec Stéphane Aubier et Vincent Patar sur le très réussi Ernest et Célestine. Rien d'étonnant donc, que l'animation soit parfaitement maîtrisée malgré son apparente simplicité.
C'est tout un bestiaire à la langue bien pendue qu'ils mettent en scène dans des rôles qui nous sont familiers, rappelant irrésistiblement les Fables de la Fontaine ou les Contes du Chat Perché, des influences que ne renie pas Renner. Ses personnages l'accompagnant depuis l'enfance, on ne se montre guère surpris d'y retrouver des traits piochés dans les récits qui ont bercé sa jeunesse - la mienne et peut être la vôtre aussi. Ainsi, on croise sur les planches de son petit théâtre un duo de gaffeurs chroniques, un cochon un peu grognon amateur de culture potagère, un loup au féroce appétit prêt à saisir la moindre opportunité qui passe à portée de ses crocs. Mais il sait aussi détourner les codes de la littérature fabulaire pour mieux nous faire rire. Ainsi, on rencontre toute une basse-cour belliqueuse et surtout un Grand Méchant Renard pas si roublard au cœur un peu trop tendre, pour son plus grand malheur.


Mais ce Grand Méchant Renard pas si méchant que ça et sacrément attachant se montre en fait bien absent. "...et autres contes" prend un peu le dessus sur l'histoire centrale. Davantage basées sur un humour visuel proche du cartoon et le slapstick les deux petites fables qui encadrent le récit principal orientent définitivement le film vers un jeune public.
Ce n'est pas forcément un mal, et il est plutôt heureux qu'il reste quelques jolies histoires à mettre sous les mirettes de nos chers bambins. Et indéniablement le contrat est rempli, entre clowneries et poésie. Mais la houleuse livraison pré-natale et la petite épopée hivernale n'arrive pas tout à fait à être à la hauteur des déboires du pauvre Renard. La dernière séquence, particulièrement, se montre un peu décevante, répétant peu ou prou le schéma de la première. Et c'est d'autant plus dommage que c'est sur la partie la moins réussie que se clos le film.
Mais ce n'est là qu'un petit bémol dans une réalisation globalement très réussie, portée par la jolie partition de Robert Marcel Lepage tout aussi réussie. Légère et enjouée, elle soutient à merveille les gags visuels et les effets comiques, et complète un casting vocal efficace. Le compositeur montre qu'il connait lui aussi ses classiques, adjoignant aux apparitions du loup le thème composé par Prokofiev, véritable madeleine de Proust!


Finalement, si Le Grand Méchant Renard et autres contes cible avant tout les petits, il réveille aussi l'âme d'enfant des plus grands. Quand les "acteurs" tout plumes tout poils s'en viennent saluer sur la scène, on a envie de les applaudir, tant il est agréable de se laisser prendre à leurs pitreries.
Et c'est de bien joyeuse humeur que l'on quitte ce bestiaire animé...

Cocolicot
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le 6 nov. 2017

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