- Je ne veux pas te mettre dans le pétrin.
- Quel pétrin ?
- Je vais le dire autrement. Deux hommes et une femme isolés, ça finit mal. Autant éviter d'en arriver là. Disons que tu as fait une croisière, je te dédommagerai de ta peine.
- Oui, tu as raison. George serait malheureux si je tombais amoureuse de toi. Et tu serais peut-être malheureux si je tombais amoureuse de lui. Le mieux, c'est que je quitte l'Alaska.
Lorsque j'ai glissé Le Grand Sam réalisé par Henry Hathaway dans mon lecteur DVD, je pensais regarder un western d'aventure, puis dès la scène d'ouverture j'ai pris peur (malgré l'excellent chant de Johnny Horton de la chanson titre) en constatant que j'avais affaire à un western humoristique. J'adore les films de comédie, mais dans un registre comme le western je ne l'apprécie que très rarement, c'est pourquoi j'ai failli stopper mon visionnage. Finalement, une petite voix dans ma tête m'a dit : "attends voir, attends voir on ne sait jamais", et heureusement que j'ai écouté cette voix. En effet, alors que le récit avançait je me suis surpris à rigoler, une fois, deux fois, trois fois, finissant par totalement me lâcher dans des grands éclats de rire. Un paquet de situations insolites, qui doit avant tout son humour dans la réaction des personnages, mais aussi dans les dialogues qui sont subtils et drôlissimes, un vrai travail sur les textes qui fait du bien.
Le Grand Sam n'est pas qu'une oeuvre comique, c'est aussi une belle histoire d'amour qui sait quand rester sérieuse, et quand laisser place au rire. Un subtil mélange parfaitement maîtrisé par le cinéaste qui ne fait jamais dans la surenchère. Tout du long, dans un parfait dosage Hathaway garde son histoire émouvante, divertissante et amusante. Qui dit comédie ne veut pas dire forcément facilité scénaristique, et la construction rondement menée de l'intrigue est là pour nous le rappeler à travers la relation entre Sam McCord (John Wayne) et Michelle Bonnet (Capucine) qui est super bien construite. En matière de relation amoureuse entre un cowboy et une danseuse de cabaret on est vraiment loin des clichés d'époques.
L'Alaska du Grand Sam est de toute beauté, un magnifique morceau de nature qui est souvent présent en arrière-plan à partir de la moitié du film. La ville minière présentée est pleine de vie, il y a du monde et c'est très agréable. Le cinéaste s'éloigne des fameuses villes westerniennes avec à peine 10 personnes qui y résident, ici il embrasse la populace. Le travail autour des décors est étonnant, par moments on se croirait dans un grand western d'aventure.
C'est la première fois que John Wayne me fait autant rigoler. Dans le rôle de Sam McCord, gros bourru chercheur d'or, Wayne se révèle être un professionnel de la comédie légère, amenant une image plus nuancée et amusante. Je ne regarde jamais les vieux westerns en doublage Vf, privilégiant la version originale, et je ne regrette pas mon choix, car la voix très prononcée de Wayne fait toute la différence, une vraie merveille d'expression vocale, mais aussi physique où on le voit tirer des tronches hilarantes. Capucine sous les traits de Michelle Bonnet alias "Angel" captive notre attention par une charmante performance, où la comédienne sans donne à coeur joie, prouvant qu'elle a de la ressource et de la malice à revendre. Capucine n'est jamais en retrait, elle s'affirme tout du long, participant autant que John Wayne au récit, ne se laissant jamais dévorer par son statut de femme.
Stewart Granger, spécialiste des films d'action, propose un rôle nuancé en tant que George Pratt, associé de McCord. Le comédien se montre à la hauteur de la tâche en étant très drôle. Fabian Porte surprend en tant que Billy Pratt petit frère de George qui se révèle très expressif face à l'amour. Il amène beaucoup de fraîcheur au récit, dont une scène hilarante lors de son repas avec Michelle, où clairement il incarne totalement l'expression : excité comme un puceau. Il est le béni-oui-oui de l'intrigue.
Même l'antagoniste Frankie Canon incarné par Ernie Kovacs est sympathique. C'est un roublard et un arnaqueur mais il n'est jamais détestable. Je pensais qu'il allait rabaisser plus d'une fois Michelle qui refuse continuellement ses propositions, mais non, il fait continuellement preuve de respect envers elle. Au final on se retrouve avec des comédiens inspirés, à travers des personnages très appréciables et sympathiques avec qui on a envie de partager le récit.
Enfin, il y a beaucoup d'action, principalement de la bagarre à coup de gros bourre-pifs, notamment avec la scène d'ouverture au saloon, la lutte sous l'eau pour récupérer le filon d'or d'un voisin (magnifique plan de la confrontation), ou encore la bagarre générale finale dans la boue. Une multitude de chorégraphies amusantes, où des chèvres n'hésitent pas à participer à l'action. D'autres scènes s'avèrent très sympathiques, comme la course à l'escalade d'arbre, durant le pique-nique de bûcherons à la demande des vieux amis et anciens patrons de McCord : Lars et Lena Nordqvist (Karl Swenson et Kathleen Freeman), ou encore les faux ébats amoureux entre Michelle et George, laissant un Sam McCord fou de jalousie. Les péripéties sont bien menées, garantissant le rythme du récit. Les quelques petits défauts du film sont facilement pardonnables si on regarde ce western avec le bon état d'esprit en le prenant pour ce qu'il est, et non ce qu'il aurait pu être.
CONCLUSION :
Le Grand Sam d'Henry Hathaway est un western qui fait du bien, allégeant le coeur afin de mieux laisser apparaître un sourire honnête sur le visage. Il est rare que la comédie westernienne fonctionne avec moi, c'est pourquoi je tire mon chapeau au réalisateur qui a réellement su m'embarquer dans sa comédie amoureuse où les personnages sont tous formidables. Chapeau à John Wayne qui se révèle très bon dans l'exercice de la comédie, ainsi qu'à Capucine qui attire magnifiquement le regard de la caméra.
L'amour pour épée, L'humour pour bouclier.