Le western-spaghetti des neiges
Mon deuxième Corbucci après le Django bien badass qui m'a bien réjoui et m'a fait réfléchir sur cette question existentielle "Bordel mais pourquoi ai-je attendu aussi longtemps avant de découvrir d'autres westerns spaghetti?". Je compte bien rectifier le tir, du coup rien de tel qu'un autre Corbucci. Déjà le décor surprend pour un western, point d'étendues désertiques ni de villes boueuses, ici il s'agit de régions montagneuses et enneigées. Un cadre qui rappelle vaguement The Far country d'Anthony Mann.
Comme Django, on a le droit ici à un western atypique. Des hors-la-loi se sont réfugiés dans les montagnes et descendent de temps en temps pour piller les alentours mais une bande de chasseurs de primes mené par Tigrero (Kinski) les pourchassent à travers tout l'état n'hésitant pas à user de méthodes malhonnêtes. Le chasseur de primes, traditionnellement anti-héros dans le genre, devient ici méprisable, "l'ennemi" du film. Le personnage de Silence, interprété par Trintignant, devient le premier chasseur de chasseur de primes que j'ai vu au cinéma. Je ne pense pas qu'on ait vu ce type de personnage ailleurs dans un western.
Kinski et Trintignant sont tout simplement magistraux et très classes. De plus la direction artistique est admirable, ce qui compense la mise en scène correcte mais un peu faiblarde par instants. Oui, en toute honnêteté le Grand Silence n'est pas dénué de défauts. Outre une mise en scène classique (mais pas mauvaise pour autant,) on a le droit à une musique signée Morricone. Parfois belle, parfois assourdissante. Un autre point négatif, j'étais obligé de baisser le son par moments. Techniquement il reste quand même quelques points faibles mais c'est le scénario du film qui m'a surtout vraiment plu.
Corbucci ne réalise pas un film complaisant. Chaque personnage, hormis Silence, est dégueulasse, a sa part d'ombre. Aucun réel manichéisme puisque Silence est animé par un désir de vengeance et ne recule lui aussi devant rien. Cependant il s'agit du personnage qui bénéficie le plus d'humanité. Sa construction est intéressante, le duel Kinski/Trintignant donne lieu à une confrontation intense qui progressera crescendo jusqu'à un final d'anthologie sidérant de noirceur. Il doit s'agir là d'une de mes fins de films préférées, c'est rare de voir un final aussi violent psychologiquement. Je ne rentre pas dans le détail volontairement bien sûr, mais c'était juste renversant. Du coup malgré quelques défauts et pas des moindres, Le Grand Silence a su tout de même me toucher grâce à sa maîtrise, sa noirceur et son intelligence. C'est décidé, je verrais encore du Corbucci. Et du spaghetti aussi, les westerns avec des monstres de charisme poussiéreux et badass décidément ça me branche!