Un des films français de l'année
"Le Grand Soir" siège sans difficulté dans mon top 2012. C'est un film dont le thème me tient énormément à coeur & dont le visionnage m'a agréablement surpris.
Surfant sur une vague indépendantiste, ce film se compose très simplement : il est découpé en plusieurs scènes sans lien nécessaire, chacune représentant un tableau d'une qualité surprenante. L'ensemble forme une galerie, l'exposition de la contestation anarchique entrevue par le punk à chiens interprété par Poelvoorde. Que dis-je ?! L'excellent Poelvoorde ! Car si le bonhomme avait subi une décadence qualitative depuis dix ans, à cause de l'exécrable "Le Boulet", il s'agit tout de même de l'un des acteurs francophones les plus respectables & compétents. Ici, on peut affirmer que grâce au duo Delépine/Kervern, Poelvoorde, aka Not, revient à ses racines les plus profondes. "Le Grand Soir" m'a rappelé le chef-d'oeuvre que représente à mes yeux "C'est Arrivé Près de Chez Vous" : même sérieux entretenu, même décadence, même neurasthénie agitée par une ivresse quotidienne, même ennui relatif dans une société mal conçue..
Dupontel, bien que l'acteur ne soit pas excellent dans la plupart de ses rôles, complète parfaitement Poelvoorde : les deux frères sont antagonistes, Poelvoorde faisant preuve d'une dissidence certaine, voire d'une dissension, alors que Dupontel se jette sans broncher dans les bras d'un capitalisme inhumain. Ce dernier rejoindra son frère, après une période de recul & de démence, qui lui enseignera les vertus de l'anarchisme. A travers un portrait assez grotesque du punk à chiens, Poelvoorde se démène & sait laisser transparaître suffisamment d'émotions pour susciter le rire & la légèreté censés être illustrés par sa manière de vivre & de voir le monde. J'ai discuté très souvent avec ce genre de personnes : elles ne sont autres que les reflets de la perspicacité & de la sagacité. Là où certains confondent le punk à chiens avec le clochard, il faut savoir que le premier choisit délibérément son mode de vie ; en cela il peut être rapproché d'un ermite, à cela près qu'il est urbain. Refusant l'acceptation (oh !) quotidienne exigée par une société anesthésiant ses sujets, le punk à chiens vit en marge en espérant néanmoins persuader les gens & leur décrasser la merde scellant leurs paupières.
Poelvoorde remplit donc son contrat avec brio, accompagné par un Dupontel qui apprend autant en tant que personnage qu'en tant qu'acteur, par une Fontaine hilarante & inquiétante & par l'apparition agréable d'un Depardieu de passage. Quelques scènes fournissent la dose de comique nécessaire pour montrer l'univers décalé résultant de la pensée anarchiste (celle de l'arbre, celle de la vitre-miroir, celle de la discussion frères-père, celle du pendu). Enfin la bande-son & la photographie sont utilisées très justement & rendent au film une ambiance globale réaliste & contemplative.
"Le Grand Soir" est une des grandes réussites de l'année, & selon moi les gens qui ne l'ont pas compris ou l'ont trouvé "à chier" sont ces mêmes personnes victimes d'une société infâme : ces gens-là (tiens d'ailleurs Brel serait bien passé dans le film) sont par exemple ceux qui s'attendaient à retrouver le Poelvoorde mal exploité de "Rien à Déclarer", ou qui pensaient simplement tomber sur un film constitué linéairement avec un scénario tout tracé.
Un régal émotionnel.
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