Je retrouve ici un truc qui m'avait plu dans The Leftovers : la création d'un mythe, dans tout ce qu'elle a d'a priori trivial. Sa genèse, son développement, et sa consécration dans la destruction, consécration qui est en quelque sorte une apothéose, au cours de laquelle l'homme touche, consciemment ou non, volontairement ou non, au royaume des cieux. Dans l'imaginaire collectif en tout cas.
Ce film, je pense, comme The Leftovers, peut se regarder de deux manières différentes, qui se complètent l'une l'autre. On a des hommes perdus, aux prises de forces qui les dépassent. En l'occurrence, pour Valhalla Rising, la nature et la volonté des dieux. Et du dieu. Ces forces sont multiples, et suivant celle sur laquelle nous décidons de nous focaliser, le film change.
Nous pouvons, à raison, nous contenter de voir ici un simple épisode d'inquisition et de croisade dont nombre de films ont déjà fait le tour. Un film du coup composé de combattants au service d'une église, d'une expédition maritime catastrophique, et d'un pétage de cable généralisé dû à l'errance, aux ambitions meurtries, à la désillusion, et à une sorte de blues des campagnes, type combat ordinaire à la Manu Larcenet.
Mais si l'on veut on peut ajouter à cela une deuxième vision, bien plus mystique. Voir dans One-eye une sorte d'Hercule, puis une sorte de Bacchus qui finira par traîner derrière lui son petit groupe de Bacchants. La comparaison est un peu poussive, mais cherche à mettre en valeur cette confrontation qui sous-tend le film entre les dieux païens et le dieu chrétien. La comparaison avec Bacchus se tient d'autant plus que le mythe grec est lui-même construit sur l'errance, la conquête (celle des Indes), et sur des scènes de massacres.
Je prends ce mythe car je ne connais pas les mythes vikings.
Sous ce prisme, nous voyons alors des avatars se confronter autour d'enjeux qui dépassent le simple combat physique ; et la scène du bateau est en soi, alors, extrêmement épique. Car sous le calme et les grandes longueurs, derrière le mist, au-dessus et en-dessous, travaillent en sourdine des forces inimaginables. Effrayantes. Incommensurables et terriblement fatales... collectives... des forces qui peut-être même, et c'est cela le plus effrayant, ne font que jouer, sans parler ; comme quand moi et mes copains on joue à la bataille corse.
CITATION ARBITRAIRE
« les dieux infinis donnent tout à leur favori — pleinement : toutes les joies infinies, toutes les douleurs infinies — pleinement. » Goethe