Difficile. Très difficile d'aborder ce film et donc de pondre une critique.
Valhalla rising est un vrai voyage viking d'un peuple bien différent de nous.
Esthétiquement Nicolas Winding Refn impose un code terriblement immersif : lenteur, bande son implacable, visuel souvent à couper le souffle, visages en gros plans, écarlate grossier ou génial. Pour le spectateur, point de salut en dehors de son propre cheminement. Inutile de chercher des branches, des artifices narratifs pour vous aider à entrer : Refn pose sa caméra, filme, vous transporte aux côtés de son acteur central et vous laisse vous démerder avec son scénario.
Ceci étant posé, il est évident que ce cinéaste a tout pour énerver tout à chacun. Ses oeuvres peuvent passer pour faussement intellectualisantes, chiantes, vaines, pompeuses ou prétentieuses. Mais pour peu qu'on prenne le temps de se poser, pour peu qu' l'on dispose de quelques clés, ces films, ce film propose un regard intéressant.
Nicolas Winding Refn est un danois ; remarque idiote dans l'absolue me direz-vous, quel lien avec cette critique ? C'est un viking. Il est né dans cette culture et c'est ceci qu'il nous balance ici en pleine poire. Sans quelques codes de base, il est évident que le film tombe à l'eau. Je pense que le ténébreux danois s'en cogne, comme il s'en cognait d'aller chercher le spectateur dans Only god forgives. Parmi les codes que je pense déterminant ici, le Borgne est une évidence. Odin. La brume ? Niflheim. Ces vikings christianisés ? Par exemple Olafr Tryggvason, qui imposa cette religion par la force. Voilà ce qui m'a sauté aux yeux.
Autres ponts, les références cinématographiques claires : ce fleuve que l'on remonte, sent la folie de Brando dans Apocalypse Now. Il y a donc du Conrad et de son Coeur des ténèbres. Il y a aussi nécessairement du Aguirre. Ce nouveau monde évoque tout autant celui de Mallick, que celui de Boorman et de sa forêt d'émeraude. Il y a même, pourquoi pas, de l'ambiance de cette Route qui conduit Viggo Mortensen au bout de l'enfer jusqu'à une forme de quiétude terrible.
Je pense qu'on peut tous trouver quelques références au regard de nos propres références personnelles. Mais ce voyage glacial, violent, poétique, onirique, mérite le détour. Le film a tout pour diviser, on pourrait même croire qu'il a été conçu pour ça. Mais cette claque esthétique est une perle d'ambiance sans concession. A l'instar de Only God Forgives, il plante le spectateur ailleurs et nous laisse seul devant nos propres interrogations.
Ce crépuscule peut être ainsi une expérience à méditer. J'ai du attendre de le visionner une seconde fois pour pondre une critique ; à défaut d'en être totalement satisfait, au moins je suis content d'avoir laisser quelques mots avant de repartir là-bas, avec Odin. Car, finalement, ce guerrier muet, pour moi, c'est Odin en personne. Il vient voir une dernière fois son peuple, qui l'a oublié pour son nouveau dieu unique. Comment parler avec ces mortels ? Odin vivait de leurs prières ; maintenant il est seul. Seul avec cet enfant qui semble représenter son dernier espoir qu'un jour il pourra revenir. Seul avec ses souvenirs, ou les relents des champignons de ses Berserkers qui lui trouble encore l'esprit.
Ou alors c'est juste un essai esthétisant qui n'a aucun sens. Je m'en fou. J'ai eu mon trip.