« Pan pan pan pan – bla bla bla – pan pan – bla – pan – bla bla – pan pan – bla – pan pan pan pan – On s’fait un McDo ? ».
Voici à peu de choses près le script du Guetteur, dixième film en tant que réalisateur de Michele Placido, et l’immédiate et unanime réaction post-séance. Puisque celui-ci est italien, je vous pardonne si vous n’avez pas tout compris et me permets ainsi de paraphraser : c’est l’histoire d’un gentil qui cherche à attraper des méchants parce que les méchants c’est pas bien. – Vous suivez jusqu’ici ? - Et parmi ces méchants il y en a un qui est sniper et que le gentil veut particulièrement retrouver parce qu’il n’a pas été gentil avec son fils, mais qu’en fait le fils il a été un peu méchant. Maiiiiiis c’est sans compter cette super-enflure d’autre méchant qui s’est fait la malle avec le pognon des méchants et qui en plus est serial-killer. Voilà. Ça aurait pu être écrit dans un train (Bordeaux-Paris vraisemblablement, 3 heures) par un enfant de 6 ans, entre deux coloriages et un vomi.
Mais alors, qu’avons-nous à nous mettre sous la dent en cette période de rentrée scolaire ? Un Auteuil qui commence à être habitué aux rôles de flics donc correct mais plus vraiment surprenant. Un Kassovitz qui fait du Kassovitz donc chiant. Des personnages creux. Un scénario indigent. Des situations plus invraisemblables les unes que les autres, … Ah, si ! Le teaser ! Vachement bien le teaser ! Reconnaissons aussi que les dix premières minutes valent le détour. Et puis l’image quand même, hein, elle claque ! C’est sombre, terne, lisse et précis tel un… sniper ! Las. L’excitation disparaît aussi vite qu’elle était apparue et laisse place à un ennui profond. L’histoire, foutraque au possible, ne manque aucune occasion de sacrifier les rares moments d’intimité au profit de péripéties auxquelles on ne croit pas une seule seconde et il est impossible de développer ne serait-ce qu’une once d’empathie pour des personnages aussi peu doués de bon sens. N’ayant pas vu Romanzo Criminale (2005), il m’est impossible d’établir quelque comparaison que ce soit. Paraît que c’est un grand film.
En France, Olivier Marchal avait ouvert la voie en 2004 avec 36, quai des Orfèvres (où l’on retrouvait déjà Auteuil). Nous avions là quelque chose d’extrêmement moderne dans le développement du polar. Plus âpre, plus humain et plus tragique dans sa narration, Marchal s’appropriait le cinéma pour exorciser et révéler son passé de flic. Là où Tavernier rejetait les codes du polar pour conférer à son L.627 (1992) un aspect réaliste, Marchal, à l’inverse, prit soin de sublimer cet univers pour mieux enfermer ses personnages dans leur détresse et ainsi laisser la catharsis s’opérer d’elle-même. On observe chez Placido cette inspiration mais les ambitions artistiques françaises et les méthodes de production italiennes ne semblent pas être en adéquation. La séquence d’ouverture est percutante et plutôt bien filmée, le reste n’est qu’un maelström indigeste de bavardages sur fond de chasse à l’homme dont on se fout complètement parce que le scénario se prend les pieds dans le tapis dès qu’il le peut. Certes, la photographie est impeccable, mais pas vraiment pertinente. Reste Daniel Auteuil, habitué désormais aux polars, qui fait son boulot correctement. En un mot comme en cent, Le Guetteur est un polar sans âme, ni fait, ni à faire. Passez votre chemin messieurs-dames !