Cette histoire est celle d'un médecin généraliste, qui s'installe dans le quartier le plus pauvre de la ville en espérer développer sa patientèle, et grâce au système de santé subventionné. Il n'a guère de patients, et sa vie professionnelle, et personnelle, va changer, lorsqu'un confrère généraliste est sur le point de décéder, lui léguant en quelque sorte son carnet de quelque 2000 personnes.
Énorme succès lors de sa sortie en 1968 (plus de 10 millions d'entrées), Il medico della mutua est un constat à la fois humoristique, mais extrêmement cruel sur le système de santé italien d'alors, mais aussi le portrait d'un homme qui voit sa vie de manière idéalisée, mais qui va prendre les chemins de traverse, quitte à développer des vices comme l'hypocrisie, la lâcheté, la mesquinerie, et même l'infidélité. Au départ, il est clairement manipulé par sa mère et sa fiancée, qui ne cessent de l'utiliser pour qu'il devienne connu, afin qu'elles bénéficient par rebond de cette notoriété et briller en société.
On le voit dans ce quartier pauvre, admirablement filmé, avec ces bâtiments tous identiques, signe d'une Italie en pleine construction, puis un zoom sur sa fenêtre attendant désespérément le premier patient.
Il y a des passages très drôles, comme ce patient, qui a dix (10 !) enfants, où on comprend qu'il en a autant juste pour toucher les allocations, et cela va lui donner l'idée d'utiliser, à son avantage, le système de santé conventionné, jusqu'à cette providence où, de personne, il acquiert en guise de leg (si j'ose dire) 2000 patients d'un coup, mais ce qui devait rendre sa vie enrichissante va être un enfer.
Avec ce plan-séquence, qui dit tout du film, où Alberto Sordi passe d'un cabinet à un autre, de gauche à droite par des travellings latéraux, et consulte des clients durant quelques secondes seulement, avec des avis toujours plus lapidaires, et un léger zoom qui montre que peu à peu, la fatigue commence à s'installer sur ce médecin, obligé de travailler à la chaine. Avec des consultations qui se font de plus en plus vite, jusqu'à 100 par jour !
On le voit aussi changer peu à peu, et cela permet de montrer l'étonnante variété de jeu d'Alberto Sordi, qui se montre en fin de compte horrible, se permettant de jeter sa fiancée parce qu'ils ne sont plus compatibles, dixit, au profit d'une femme plus âgée, la veuve du médecin qui lui a légué sa patientèle.
A trop jouer avec le système, on se broie les ailes ; cela pourrait être la conclusion de ce film, admirable, joué de manière superbe, avec une réalisation au cordeau, mais qui montre une horrible réalité. Et qui, quelque part, montre aussi notre époque contemporaine, avec ce cabinet rempli à ras bord de personnes, où les docteurs doivent aller de plus en vite, qui sont eux-mêmes menacés par d'autres vautours en cas de problèmes de santé ; travailler plus pour... pourquoi d'ailleurs ?