Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson est et restera une de mes plus grandes expériences ciné ever. C'est la trilogie que je revois minimum une fois par an depuis 2003, date de sortie du dernier opus ; j'écoute l'OST au moins une fois par semaine, je vais régulièrement à des ciné-concerts qui me ruinent, bref c'est une histoire d'amour, une vraie. J'attendais donc l'adaptation du Hobbit avec la plus grande impatience. Et l'année dernière, malgré quelques défauts gênants, Peter Jackson avait de nouveau réussi à me plonger en pleine Terre du Milieu, au sein d'une aventure complètement épique, et surtout unique. J'attendais donc la suite avec une certaine excitation, mêlée d'inquiétude toutefois. Et après être sorti du cinéma, force m'est d'avouer que Jackson m'a laissé avec un arrière-goût amer dans la bouche, pour la première fois.
Le premier truc qui m'a frappé dans le film, c'est la vitesse à laquelle les premiers éléments sont expédiés : Beorn en 5 minutes, la Forêt Noire en 10, la Forteresse des Elfes Noirs idem... Bref, la moitié du film est traitée en moins d'une heure. En moins de soixante minutes, la moitié des pages du livre couvrant les évènements du film sont expédiées. Et c'est d'autant plus dommage que Beorn est énorme (c'est le cas de la dire), la Forêt Noire est réellement angoissante (mais pas assez), et la Forteresse est sensée être géniale également (mais elle ne l'est pas là). Seule la célébrissime échappée en tonneaux prend son temps dans une scène remarquable.
L'autre soucis de cette première partie, c'est qu'il n'y a (presque) pas un seul vrai décor ! Il parait que McKellen a pété un câble sur le tournage, hurlant qu'il n'avait pas signé pour tourner devant un fond vert, et comme je le comprends ! Il n'a pas dû tourner une seule scène en extérieur dans cette suite. La magnificence du Seigneur des Anneaux passait par la magnificence de ses décors, qui donnaient envie de se prendre illico presto un billet pour la Nouvelle Zélande. Ici, à part quelques uns au début, pas un seul paysage n'est vrai, et les FX sont on ne peut plus chelous, avec des couleurs étranges qui font que l'on ne s'y croit pas vraiment. Cet abus dans les FX m'avait déjà choqué dans le premier film, mais là ça en devient complètement aberrant. Quand je pense que pour la Communauté de l'Anneau Jackson a été jusqu'à créer entièrement un vrai village pour Hobbitbourg !! On est tellement plus dans la même philosophie...
Certains décors sont quand même top, comme Lake Town ou l'intérieur de la Montagne Solitaire, mais c'est peu de choses par rapport au manque global de paysages rêveurs... On voyage théoriquement beaucoup, et pourtant c'est l'adaptation Tolkien/Jackson ou l'on voyage le moins, au final.
Mais revenons au rythme du film, selon moi son véritable fléau : une fois nos amis arrivés à Lake Town, Jackson va alterner entre deux types de séquences, et ce jusqu'à la fin : les séquences servant à relier l'histoire de Bilbo au SDA, et les séquences complètement re-pompées sur LSDA (en bien moins bien, évidemment). Clairement, LSDA obsède Jackson. Je le comprends tout à fait, il m'obsède aussi. Mais là, ce qu'on voulait tous, nous les fanboys invétérés de la Terre du Milieu, c'était une super adaptation du Bilbo, pas un ersatz hybride entre les deux histoires. Le Hobbit est un roman pour enfants, LSDA une œuvre bien plus sombre. Faire un mix des deux était périlleux, et ce petit jeu est selon moi un échec total : la quête de Gandalf pour démasquer Sauron est poussive et mal foutue, et la quête des nains est comme dit sclérosée par des scènes réellement plagiée du SDA : on aura par exemple en moins de 10min des remake de Frodon/Aragorn/Arwen/Athelas, fuite du Balrog, découverte du tombeau dans la Moria, Boromir/Frodon, Langue de serpent, etc etc etc. Faire des clins d'oeil ok. Reprendre des scènes similaires quand Tolkien l'a voulu ok. Mais refaire exactement les mêmes scènes avec d'autres personnages c'est non, juste NON. Surtout quand c'est tellement, mais tellement moins maîtrisé...
A ce petit jeu du lien entre les aventures, on retrouve Legolas. Je suis le premier à le défendre dans LSDA (car c'est hype et cool de taper sur Orlando Bloom, juste car c'est Orlando Bloom quoi tu comprends) où il est parfait dans son rôle d'Elfe camé songeur et effacé. Ici, ils ont essayé de lui donner un côté trop Dark en mode "sisi je suis un elfe de la Forêt Noire, fils de Thranduil le Roi des Elfes, et puis j'ai des lentilles bleues sombres mec", mais c'est une BLAGUE. Pas crédible pour un sou, il rajoute des tonnes de scènes inutiles, et même pour moi c'en est trop...
Enfin, dernière déception, et pas des moindres : la musique. Howard Shore, mon Dieu de tous les jours... mais qu'as-tu branlé ici ?! On ne peut juste pas faire plus insipide et générique. Aucun thème marquant, aucune frénésie musicale propre à la Terre du Milieu, rien. Tout comme Vagabond, j'ai attendu The Misty Mountain Cold pendant tout le film, en vain : ils ont carrément viré le thème principal, bourré de potentiel, pour le remplacer par... bah par rien, en fait.
La symphonie du SDA reste un de mes albums préférés ever, et de loin. On a reproché à l'OST de Bilbo 1 d'en être trop proche. C'était vrai, mais cela garantissait clairement sa qualité. Ici, on est complètement ailleurs... mais ce ailleurs, c'est un nulle part.
Au final, je retiendrai de ce Hobbit certains passages vraiment géniaux, comme ceux avec Smaug ou l'échappée de la Forteresse Elfique, mais aussi et surtout un hybride sans réelle identité entre deux aventures difficilement compatibles. C'est clairement plus un 6 qu'un 7, mais la Terre du Milieu, c'est la Terre du Milieu bordel... Ca a son charme malgré tout. Et quand je repense aux bons moments, je me dis que c'était quand même cool. A des lieues de la maîtrise du SDA, mais cool quand même. Alors bon.
Néanmoins, se terminant sur un cliffhanger tout moisi pour qui a lu le livre, ce second épisode laisse moins d'une cinquantaine de pages à Peter Jackson pour conclure sa trilogie, certainement avec un nouveau film de 2h45. C'est la première fois que je trouve le temps long en Terre du Milieu. C'est la première fois que je suis déçu par cette aventure. C'est la première fois que je me mets à douter pour la suite. Et pour tout ça, Jackson, je t'en veux...