Le Hobbit: le deuxième tour
J'aime bien les illusionnistes. A bien y réfléchir, il y a une forme de paradoxe permanent dans cet art de la scène en ce que lorsque l'illusionniste fait un tour, tout le monde sait qu'il y a un truc, que ce n'est pas vraiment de la magie, et pourtant ça finit par acquérir une qualité magique propre. Sans doute plus magique même que s'il faisait passer ça pour un pouvoir mystique quelconque. Un art de l'émerveillement fait à coup de petites duperies. Du foutage de gueule un peu espiègle.qui vous dit: "ok, tu sais qu'il y a un truc, mais je t'ai quand même bien eu". Certains diront que ce n'est pas de l'art; pardon de l'AAAART comme ils aiment à le prononcer (afin de renforcer le coté ridiculement pédant et cornichonesque, n'oubliez pas de rouler des yeux dans vos orbites comme un épileptique sous stroboscope en faisant de grands gestes emphatiques dignes d'un BHL sous cocaïne).Je pense a titre personnel qu'ils ont tort, mais ne voulant pas moi même me changer en cornichon sous vos yeux incrédules, je m'abstiendrai de rentrer dans une définition qui manquerait de souplesse et m'obligerait à cloisonner l'art dans une case forcément trop petite pour lui.
Ok allez vous me dire avec le sens de l’à propos qui vous caractérise, mais où veux tu en venir exactement mon petit Sam?
Et bien TADAM!(oui, l'illusionnisme à l'écrit fonctionne moyennement bien, je vous l'accorde) C'est que mon analogie vaseuse convient assez bien pour définir le travail de Peter Jackson en général et particulièrement concernant son adaptation au long cours de l'univers de Tolkien. Ce brave Peter nous refait le même tour depuis 5 films, à savoir qu'il fait apparaître devant nous encore et encore la terre du milieu. On connait le truc, on l'a déjà vu des tas de fois, mais ça reste foncièrement amusant, et même si le sens du merveilleux à diminué par rapport au SDA, ça reste assez bien foutu pour qu'on ne s'en lasse pas. Il a le sens du spectacle PJ, et encore une fois, je me suis fait avoir, et je me suis laissé emporter dans cet univers sans opposer trop de résistance.
Maintenant que c'est dit, rentrons un peu dans le détail au niveau du film. Parlons d'abord des choses qui fâchent.C'est un peu long par moment, et on peut tout de même se demander si le fait d'adapter cette histoire en trois films de 2h45 soit totalement justifié. La matière présente dans l'ouvrage original ne s'y prête pas aussi bien que le seigneur des anneaux, et donc on se dit que ce bon Pete brode un peu, même s'il utilise ce temps supplémentaire pour nous trousser des scènes d'action et d'aventure spectaculaires à souhait. Il n'en reste pas moins que le film à quelques longueurs. Un autre truc, c'est que à quelques exceptions près les nains manquent vraiment de trop de caractère pour pouvoir les distinguer où les apprécier. On pouvait excuser ça lors du premier, en se disant qu'il fallait lui laisser le temps de s'y mettre, mais le second film de la trilogie à ce niveau n'est pas plus convaincant que le premier.Je dois dire aussi que je ne suis pas fan d'Armitage en Thorin, et sans aller jusqu'a dire qu'on est sur une erreur de casting, je le trouve un peu trop plat et manquant de subtilité. Un point de déception pour moi est également les scènes avec Beorn, que je trouve un peu faiblardes et trop anecdotiques pour rendre l'hommage que mérite ce formidable personnage. Ajoutons un dernier point faible avec la scène de combat opposant Gandalf et Sauron, qui abuse de l'opposition lumière/ténèbres (même si la scène ou la silhouette ténébreuse de Sauron se découpant sur le feu et créant la pupille de l'oeil de Sauron vaut son pesant d'herbe à pipe).
Du coté des bons trucs, ben il y a tout le reste en fait. La scène des araignées dans la foret de Mirkwood, où Jackson démontre encore une fois qu'en matière de film de créatures, il assure comme une bête (si je puis dire). La scène des tonneaux et du combat qui s'en suit est excellente au niveau du rythme, de la chorégraphie des combats, du montage et de la mise en scène. Un moment épique du film. Rajoutons un couche sur la qualité des paysage et des décors, que ce soit Dale, Erebor, le royaume de Thranduil, la foret de Mirkwood,... C'est du tout bon, c'est du tout beau. Smaug est le meilleur dragon que j'ai eu l'occasion de voir tout média confondu, et l'excellent Benedict Cumberbatch qui lui prête en partie ses traits et sa diction si précise achève d'en faire une totale réussite. Au niveau des acteurs, on insistera jamais assez sur la prestation de Martin Freeman absolument parfait en maître Bilbon. Le retour de Legolas est peut-être ce qui me faisait le plus peur, n'ayant pas d'affection particulière pour la prestation d'Orlando Bloom dans le SDA. Je l'ai trouvé ici beaucoup mieux dans le personnage, lui ajoutant la gravité qui lui manquait justement dans le SDA . Les autres acteurs ne sont pas en reste non plus. Certains seront peut-être choqués de tout ce que Jackson rajoute par rapport au livre, mais je dois dire que ces additions sont plutôt bienvenues et biens vues, même si elles sont surtout là pour ajouter encore un peu de piment et d'action à l'histoire de Tolkien. La "romance" en filigrane entre Tauriel et Kili traitée sans lourdeur, le fait que Legolas ne fasse pas un simple caméo, mais soit un des personnages que l'ont suit, et pas mal de petits détails supplémentaires ne font qu'ajouter des tas de bons points au film du néo-zélandais.
Bref, ce second opus est une réussite. C'est un film d'aventure comme on aimait en voir gamin . Un vrai film plein de trucs sympathiques et qui me conforte dans l'idée que Jackson est vraiment un maître du genre capable de sortir encore et encore des tas d'idées amusantes de son chapeau magique, et qui vole majestueusement tel Smaug à des hauteurs stratosphériques par rapport à ses pairs bien en peine de pouvoir l'égaler sur ce terrain jusqu’à présent.
Un film qu'on a envie de revoir chez soi par une après midi enneigée alors que le sapin brille dans un coin et que quelques étoiles brillent dans nos yeux de vieux gosses pas encore assez blasés pour ne pas savourer les plaisirs simples d'une illusion, d'un tour de magie, et d'une belle aventure.