Critique : Le Hobbit : Un voyage inattendu (par Cineshow.fr)

11 ans après la Communauté de l’Anneau et 8 ans après la fin de la saga du Seigneur des Anneaux, Peter Jackson est retourné en Terre du Milieu pour adapter dans une nouvelle trilogie un autre célèbre roman de Tolkien, prequel à la grande quête de Frodon, Bilbo Le Hobbit. Après avoir clamé longtemps que le projet ne l’intéressait pas, l’immense réalisateur Néo-Zélandais a embrassé cette adaptation à bras le corps quitte à prendre un certain nombre de décisions qui se révéleront plus que discutables une fois retranscrites à l’écran. Un projet en forme de fantasme de geek, qui trouve ici un beau laboratoire de test pour une réelle innovation au cinéma, le HFR (High Frame Rate comprenez captation et diffusion en 48 images secondes au lieu des 24 traditionnelles). Malheureusement, je ne pourrai pas vous en parler pour l’instant, la projection presse ayant eu lieu dans des conditions standards…

Bien entendu, le projet de l’adaptation du Hobbit était l’une des grandes pour ne pas dire la plus grande de cette fin d’année. L’envie de retrouver aux manettes l’équipe victorieuse de la trilogie monumentale réjouissait d’avance, mais une épée de Damoclès planait malgré tout au-dessus du projet, l’étirement du roman sur 3 films, autant dire le même format que la trilogie SDA. Pourtant, Le Hobbit de Tolkien s’oriente plus vers le livre pour enfants, avec une intrigue simple et une arche narrative plus accessible sur environ 250 pages. Bref, en termes de matière brute, la comparaison est simplement impossible et la question était de savoir comment Jackson aurait géré cela. Verdict !

60 ans avant le voyage de Frodon vers le Mordor pour détruire l’anneau, 60 ans avant la vision franchement apocalyptique d’un monde fantastique au bord de la destruction par les forces du mal, Bilbon Saquet était déjà ce paisible et casanier Hobbit. Mais lorsque Gandalf Le Gris l’invite bien malgré lui dans une quête franchement initiatique, visant à aider une compagnie de nains à remettre la main sur leur royaume et leur trésor occupé par le dragon Smaug, c’est le début d’un voyage inattendu. Un voyage qui se structure au fil des minutes en tant que parfait calque ce que fut La Communauté de l’Anneau, en termes de gestion du temps, gestion de l’action et des combats, gestion du groupe aux personnalités différentes et surtout, gestion de l’intrigue. L’exercice est périlleux et doit réaliser une double introduction, à la fois pour cette nouvelle saga mais aussi à tisser les liens directs avec les précédents films principalement par la présence d’anciens personnages (Galadriel, Sarumane, Elrond et bien évidemment Gollum qui sera présent dans la séquence la plus intéressante du film).

Le problème avec ce choix narratif en tout point similaire, c’est qu’il limite tout effet de surprise en marchant dans les pas de son modèle quasiment à l’image près. Lorsque la compagnie court dans les montagnes, lorsqu’elle avance dans les paysages irréels de la Nouvelle Zélande, lorsqu’elle doit faire face à une menace Orque, tout cela a beau être techniquement irréprochable, le sentiment de déjà-vu s’installe. Un sentiment qui ne fera que croître au fil du temps et qui se verra fortement amplifié par un étirement en longueur souvent peu nécessaire de nombreuses scènes. On touche alors au cœur de l’un des problèmes du film, sa structure narrative bien moins fluide que dans le Seigneur des Anneaux. Si Jackson apporte ses propres idées et pioche dans d’autres livres de Tolkien pour enrichir son film, on constate bien assez vite que l’histoire mouline régulière allant parfois jusqu’à l’épuisement réel des spectateurs, le film affichant quand même 2h45 au compteur.

Un constat qui saute aux yeux dès l’introduction franchement laborieuse qui voit Bilbon rejoindre la compagnie. Après près de 40 minutes et un repas tout droit sorti de Blanche Neige en terme d’humour, avec des nains guerriers pas franchement sérieux, le récit démarre enfin dans la douleur. Fort heureusement, le talent de Jackson s’exprime bien vite lorsqu’il s’agit de rythmer la quête du hobbit de nombreux obstacles, et délivrer quelques moments de bravoures efficaces, rarement aussi épiques que dans le Seigneur des Anneaux mais malgré tout salvateurs. On pourrait dès lors dire que tout est là pour que la recette fonctionne, mais l’humour limite ajouté à un manque flagrant d’intensité dramatique relègue Le Hobbit assez loin derrière ses successeurs chronologiques. Là où la mise en place étant longue mais très intéressante, prenante, presque viscérale dans la Communauté, générant ainsi une envie très élevée de découvrir la suite, celle de Le Hobbit ne provoque pas grand-chose, une distance sans doute aussi dû à un manque évident d’empathie vis-à-vis des personnages secondaires que sont les principalement les nains.

Car si Martin Freeman campe un Bilbon idéal, à la fois volontaire, timide, vaillant et drôle, la pléiade d’acteurs interprétant les nains (à l’exception de Thorin, digne successeur d’Aragorn à l’écran) ne marque finalement que peu les esprits, tandis que les quasi caméos de plusieurs personnages de la première trilogie ne sont là que pour faire sourire le spectateur plutôt que pour réellement soutenir l’histoire. Seul Gollum se taille la part du lion le temps d’une séquence de devinettes, à la fois effrayante sur le fond et lumineuse en termes de mise en scène. Introduisant le dernier tiers du film, elle permet de contempler l’immense progrès en terme de performance-capture et de rendu visuel, tout en proposant la première vraie nouveauté du film. Un dernier tiers des plus convaincants qui relève furieusement l’intérêt vis-à-vis du Hobbit, en proposant une bataille à la fois prenante, cette fois-ci épique, et surtout bercée d’émotions véritables, un sentiment dont le film était jusque-là démuni. Reste que l’ouverture vers le second opus ne génère quand même pas la même attente euphorique que nous avions pu ressentir il y a 11 ans de cela.

Malgré ces défauts flagrants, sur le plan visuel et technique, le film se révèle d’une immense richesse et le temps de quelques scènes, d’une ampleur véritable, Jackson ayant poussé la retranscription de l’univers du film à la perfection, poussant les détails à un niveau que le SDA n’avait pu aller du fait de la compression des récits. Tout est parfait et sublimé par une 3D impeccable à l’image des meilleures références du genre (Hugo Cabret, Avatar ou Titanic 3D). La direction artistique est sans faille et un régal de chaque instant, bien qu’une nouvelle fois, le Hobbit s’inscrive dans les piliers mis en place dans les films précédents. On sera en revanche surpris voire déçu que Jackson ait privilégié certains choix numériques là où auparavant, les bonnes vielles maquettes ou les costumes et le maquillage rendaient du meilleur effet. Cela se remarque particulièrement dans le traitement des orques (notamment du méchant principal), sur la pellicule irréprochables mais d’aspérités bien moins réalistes. Un manque d’âme qui se traduit également dans certains décors lors de plusieurs scènes d’actions qui respirent le fond vert en quantité industrielle, jusque cela en devienne parfois gênant.

Le Hobbit est donc un blockbuster franchement quali sur de nombreux aspects, à la fois en terme d’ampleur de mise en scène et d’univers recréé. Le travail d’adaptation est titanesque tant les moindres détails du livre de Tolkien trouvent sa place à l’écran, mais le sentiment d’overdose générale plane de manière trop prégnante en fin de métrage pour que nous soyons totalement convaincus. Forcément de meilleure facture qu’une très grande majorité des films cette année, on ne pardonnera pas à Peter Jackson ce choix délibéré d’étirer plus que de raison un matériau qui ne le nécessitait pas, et de se caler à ce point dans les pas de premier film de la trilogie originale. En résulte un sentiment de déjà-vu qui atténue l’exaltation ressentie vis à vis de cette nouvelle aventure. En espérant que les deux volets suivants entrent à l’instar des Deux Tours et du Retour du Roi davantage dans le vif du sujet en n’hésitant pas à tailler dans le mou pour obtenir un résultat peut-être moins long mais bien plus efficace en termes d’impact.
mcrucq
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le 7 déc. 2012

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Mathieu  CRUCQ

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