Le Jardinier d’Argenteuil n’a de valeur véritable, outre son générique amusant sur des fleurs que l’on change de couleurs, que dans le portrait qu’il brosse d’un Jean Gabin érigé en patriarche résistant à la modernité : il y a chez lui une simplicité de toute chose, un refus de la cupidité et une absence de méchanceté qui lui confèrent une dimension allégorique essentielle, en réaction à la génération dégénérée qui, deux ans plus tard, fera mai 68. Le long métrage nage donc à contre-courant, quoique sa forme témoigne de l’influence notable de la Nouvelle-Vague : notons la caméra embarquée dans un véhicule qui capte des visages et des corps au bord de gouffres bleutés, la spontanéité du scénario qui semble improvisé et soumet l’intrigue au hasard et aux retournements, la confusion d’un ensemble hétérogène, qui se disperse trop souvent et finit par lasser.
Voilà donc un film bizarre, une curiosité écartelée entre le conservatisme de ses valeurs et les tentations d’une libération formelle qui offre à Jean Gabin un personnage à la fois pesant et insaisissable, ne se laissant enfermer que dans l’horizon qu’il peint comme autant de promesses de jours meilleurs. Comment voir l’art comme un « moyen d’échapper à son siècle » - cf. voix off du début – et à ses corruptions.