Signe des temps, le point de vue féministe sur les récits historiques est désormais un angle revigorant pour décaper les grands classiques du patriarcat. Alors que les biopics font la part belle aux femmes de l’ombre (le Napoléon de Ridley Scott ou le Maestro de Bradley Cooper) et que l’adaptation d’un classique de la littérature polonaise se focalise sur la destinée d’une protagoniste (La jeune fille et les paysans), voici que déboule Le Jeu de la reine, parenthèse anglaise pour le réalisateur brésilien Karim Aïnouz qui s’offre un casting de choix.
Soit Jude Law incarnant, à rebours de son glamour habituel, un Henri VIII, figure absolue de l’ogre dévorant successivement ses épouses destinées à la peine capitale, face à une Alicia Vikander propulsée dans une sorte de survival sous les ors de la cours.
L’idée est plutôt prometteuse : injecter, dans le milieu empesé et richissime de la couronne d’Angleterre un souffle pestilentiel par le motif de la gangrène du patriarche, infectant l’air et toutes les relations autour de lui. La rhétorique du thriller s’invite ainsi dans l’imagerie à l’ancienne, Katherine Parr risquant sa vie à chaque faux pas ou fausse couche. Alors que la fête, la liesse et les banquets de cour mobilisent la collectivité, la tension dramatique individuelle envahit progressivement tout l’espace, l’héroïne devant composer avec des accointances progressistes qui accompagnent un progressif chant de contestation.
Si l’équilibre entre les différents partis est assez bien mené, les intrigues de cour sont plus convenues – on reste sur un registre qu’on a déjà vu l’an dernier dans le premier volet des Trois mousquetaires, où un bijou va sauver la réputation – et donc la vie - de la reine. La mise en scène est à l’avenant, assez plate et sans audace, le cinéaste pensant compenser par le surjeu d’un Jude Law ne se privant d’aucun effet de manche pour fustiger le règne du mâle abusant de tout ce qui se trouve à sa portée. Redondant et démonstratif, s’enlisant dans une écriture proche de celle de la série – on imaginerait bien volontiers des cliffhangers de fin d’épisode à de nombreuses reprises -, porté par une musique poussive, le film finit par devenir aussi pesant que le personnage qu’il dénonce. Et ce n’est pas cet énième recours au regard caméra qui viendra sauver la démonstration au forceps qui, une fois encore, ne semble pas faire confiance au spectateur pour saisir les enjeux, la violence et le parcours d’une protagoniste ayant, elle, su faire preuve de finesse pour sauver sa peau.