Catherine Parr, grand nom de l’Histoire au temps de Henri VIII, ou l’une des seules épouses qui a pu échapper à la cruauté barbare de l’ogre roi. Un film féministe, adapté de l’œuvre d’Elizabeth Fremantle : Queen’s gambit.

Les films historiques, un genre apprécié et énormément représenté dans le milieu du septième art, d’autant plus lorsque les Tudors ou le roi Henri VIII sont concernés. Une bobine infinie devrait exister afin de tous les regrouper en une gigantesque fresque mortuaire. Pourtant, lorsqu’on souhaite passer de l’autre côté du lit, Catherine Parr n’est pas autant représentée que ça en tant que protagoniste principale. Femme forte et moderne, la seule de toutes les épouses du roi à l’avoir mené par le bout du nez et à l’avoir défié sur sa propre mort. C’est avec une grande satisfaction qu’on découvre ce film parmi la sélection cannoise.

Présenté en compétition officielle, le long-métrage de Karim Aïnouz sort des sentiers battus en proposant une reconstitution très lugubre du XVIe siècle, en pleine période de peste noire, de guerre et de soulèvement envers le roi. Sublimes sont les costumes et les terres embrumées, un point très important que l’on peut accorder avec grande facilité au réalisateur brésilien et qui permet de donner un ton plus dur, presque horrifique, à l’oeuvre. Bien sûr, le choix de l’actrice pour incarner cette puissante femme de lettre était des plus élémentaires, et quel merveilleux choix que celui d’Alicia Vikander. Le charisme de l’actrice est doté du même aplomb que celui qu’on aurait pu donner à la reine consort. Ici encore, un point facile, car l’actrice de Danish Girl nous a prouvé bien des fois qu’elle était faite pour des rôles d’époque. Et bien que le cinéaste se soit tourné vers le bord de la reine Parr, c’est bel et bien Jude Law qui crève l’écran, dans ce rôle de roi putride de gangrène, où les sévices et l’indifférence pour ses femmes faisaient de lui un être infâme et repoussant. Doué d’une grande interprétation, Law est redoutable et effrayant. Le plaisir est tel de le voir dans un rôle aussi fort qu’on se retrouverait presque à regretter le chemin sur lequel Aïnouz a voulu nous amener.

L’intention du réalisateur, de miser entièrement sur les grandes interprétations de ses acteurs, ne fait que renforcer le postulat de départ, à savoir la force et la mise à l’épreuve de la sixième épouse d’Henri VIII dans une prison dorée remplie de mort et d’angoisse permanente. Il ne serait pas étonnant d’avoir comme prix d’interprétation l’une des deux figures de ce film coup de poing, qui n’a pas peur de casser les codes d’un genre habituellement classique.

Firebrand est unique, jouant à plusieurs reprises sur des sentiments refoulés et laissant libre court à la magie opérative des acteurs et du pouvoir qu’ils mettent dans leurs rôles respectifs, à travers une esthétique fidèle à cette oppressante emprise psychologique.

La première oeuvre de Karim Aïnouz à être présentée en sélection officielle mérite une attention toute particulière et redore habilement un genre devenu monotone.

murron
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le 24 mai 2023

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