Salvateur
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Le sillon creusé par l'inlassable Hong Sang-soo peine à dévier de sa trajectoire : le metteur en scène ultra-prolifique recycle et ressasse ses motifs jusqu'à l'ivresse, addiction partagée par ses personnages, toujours prompt à s'abîmer dans l'alcool. La familiarité du Jour d'après est à ainsi peine bousculée par un noir et blanc ombrageux, qui, première fois peut-être chez le cinéaste, permet de voiler le manque de moyen évident de ses micro-productions annualisées. Et l'on retrouve, en creux, les motifs chers au Sud-Corée torturé : un protagoniste-miroir aussi désespéré que désespérant, qui erre de maîtresse en quiproquo avec une très haute estime de lui-même et une très petite de ses amantes. Hong Sang-soo, lui même pris dans la tourmente d'un scandale adultérin depuis que sa liaison avec sa muse, Kim Min-hee, a été rendue publique, ne fait néanmoins pas de cadeau à son alter ego de pellicule. Vaniteux, il tient à se faire appeler par son très viril nom d'emprunt ("Patron"), et s'efface finalement devant la spiritualité de sa nouvelle assistante. La mise en scène au dispositif ascétique (beaucoup de plans séquences et de zooms, cherchant à épouser la fluidité du jeu d'acteur) retranscrit dans un premier temps ces atermoiements très masculins : les personnages féminins y sont interchangeables, Patron n'hésitant pas à projeter un peu de Changsook sur Areum, tandis que les jeux de raccords, une habitude chez Hong Sang-soo, mettent brillamment en valeur ce mépris du corps féminin mâtiné de nostalgie proustienne. Mais petit à petit, le récit glisse et se transforme. Hong Sang-soo évite avec grâce le piège de l'intrigue à tiroir et du drame passionnel, qui menace un moment d'emporter le film sur les terres plus excitante mais aussi plus impersonnelles du Woody Allen de Match Point ou Un Homme Irrationel :
La séquence ou Changsook et Patron décident de faire passer Areum pour la véritable maîtresse de ce dernier laisse entrevoir une issue dramatique qui n'a finalement pas lieu.
Au lieu de cela, la focalisation se déporte de Patron à Areum, et la thèse de Hong Sang-soo, plus musclée que subtile, plus juste que fine, se fait jour : aux yeux de Patron, maître pathétique de ce qu'il l'imagine être un harem, on congédie le corps féminin dont on n'a plus besoin à la faveur d'un autre aux désirs plus pressants, on fait du marchandage libéral de sentiments et d'affects. Pas étonnant qu'Areum lui reproche de mêler "travail et sentiment", tant Patron, au sobriquet finalement bien révélateur, ne saurait faire la différence entre les deux. Cette peinture très acide de la lâcheté masculine et de la vacuité de nos sociétés marchandes n'est pas non plus une nouveauté chez Hong Sang-Soo - dans Haewon et les hommes, le seul mâle attachant sortait tout droit du rêve de l'héroïne - mais elle trouve ici un écho décuplé par la grâce de Kim Min-hee, que le cinéaste filme en amoureux transit, et participe au charme suranné de ce qui est peut-être le film le moins aimable du cinéaste, mais pas le moins habité.
Créée
le 12 juin 2017
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