Le jour de l'éclipse fait partie de cette poignée de films à côté desquels mes louanges paraissent bien fades. Pourtant, comme une envie d'y revenir, comme ça, au milieu de la nuit.
C'est la troisième oeuvre d'un Alexandre Sokourov qui se démarque alors doucement de ses pulsions tarkovskiennes (il fut le disciple du Maître), tantôt dans l'intimisme dépressif (La Voix Solitaire de l'Homme), tantôt dans la cacophonie (l'hystérique Mournful Unconcern). Ici, on parle de voyage, d'exode vers un ailleurs, dans le désert ou dans le rêve. Les quelques lignes narratives décousues du Jour de l'éclipse dessinent en tous cas ce passage vers l'étrange, notamment dans l'immixtion d'un fantastique très élusif et vaporeux.
Lancinante rêverie, le Jour de l'éclipse est la fiction la plus belle et la plus accomplie du grand monsieur, l'atmosphère et la mise en scène explosent en touches d'érotisme et de magie diffuse et discrète. C'est un rêve agité, celui du personnage et celui du spectateur, la représentation d'un idéal d'ouverture au monde, d'aventure et de grand voyage et les retours violents au passé que cette quête implique. La mort hante Le jour de l'éclipse, sans atteindre l'élégie douce de Alexandre Sokourov. Mieux, elle la conforte dans son spiritualisme et dans sa solennité toute particulière.
Un magnifique morceau de cinéma, plus nécessaire que jamais.