Un agrégé chez les zombies
Avec le troisième volet de sa trilogie, Romero ajoute encore une nouvelle dimension au genre (qu'il a de fait lui-même créé), il ancre l'horreur et le gore dans la métaphysique - homme/femme, groupe/individu, militaire/civil, savant/zombie, savant/militaire ... la vie et la mort, la mort dans la vie ... avec une première partie qui pourrait paraître redoutablement bavarde ...
... jusqu'à ce qu'il nous livre la trouvaille, la géniale clé du film - la transposition directe du mythe de Frankenstein dans son propre univers : le Frankenstein de Mary Shelley transformait des morts (des morceaux de morts) en une créature vivante; le Frankenstein de Romero transforme un mort-vivant en mort-vivant évolué, avec des méthodes qui rappellent les expérimentations des biologistes sur des grenouilles décérébrées, dans les laboratoires de nos lycées il y a quelques décennies. Et on découvre l'infiniment touchant Bub, capable de manipuler un livre, de manipuler un lecteur de cassettes, d'apprécier la musique, de faire le salut militaire et même de s'initier au maniement des armes. Au reste l'élimination par balles, même en plusieurs temps (Bub reste quand même et lent et un peu maladroit) est sans doute plus propre et plus civilisée que les dépeçages pratiquées par ses confrères zombies. Bub, avec son beau maquillage vert-de-gris (dont les traits presque humains m'ont fait penser à Harvey Keitel ... il est vrai que le pilote de l'hélicoptère, sorte de Rambo aussi sympathique qu'efficace évoquait dans le même temps l'ancien footballeur du PSG et de l'OM, Edouard Cissé !), Bub est assurément le vrai héros du film, finalement pplus humain que les humains..
Tous les autres personnages sont assurément plus caricaturaux que lui, du savant illuminé (dont l'acteur répond au doux nom de Liberty) aux militaires décérébrés, et à la fin carrément démembrés, éviscérés dans une débauche de gore et d'hémoglobine, tellement excessive qu'elle en devient aussi hilarante que répugnante. Ils jouent tous plus faux les uns que les autres, ce qui n'a pas la moindre importance, puisqu'on est en plein cartoon. Le pire d'entre eux est sans doute l'officier responsable, une sorte de Bernard tapie jeune et efféminé, qui donne le meilleur de lui-même lorsque ses talents d'acteur peuvent s'exprimer en plusieurs morceaux.
En bref,
Romero ne tranche pas (même s'il n'arrête pas de trancher) entre les savants, les militaires et les zombies,
la mise en scène est brillante - avec ponctuations musicales, rêves bien intégrés et percutants, décors stylisés, changements de rythmes,
le récit est habilement découpé en deux parties, une statique, bavarde, "philosophique", une explosive et sanglante,
seuls les gentils, Ripley et ses deux Rambos, s'en sortent (ou pas, la chute est à la fois brutale, elliptique, rapide, et ambigüe),
et la grande silhouette de Bub, un peu branlante certes, mais définitivement seigneuriale, demeure.
Une réussite.