Le Jour des Rois articule dès son titre la banalité d’une journée traitée sous la forme de la chronique et la grandeur des mythes qu’elle convoque, qu’ils empruntent à la Bible ou aux « chinoiseries » : le mouvement du scénario est celui d’une resolidarisation, tant bien que mal, du lien familial sinon abîmé par les différences idéologiques, caractérielles et morales, figurée par le trajet de Suzanne d’abord à la maison de retraite, puis au domicile d’Armande, enfin à la salle des fêtes où se produit sa dernière sœur, Germaine. Cette chaîne construit un film à l’esthétique néoréaliste qui fait se succéder des vignettes tantôt domestiques tantôt exotiques, traduction parfaite de l’ambivalence des relations humaines où l’étrangeté côtoie le connu, où la cruauté n’empêche pas l’amour ; l’unité de temps (une journée) confère à l’ensemble une gravité presque tragique, la pauvre Suzanne devant regagner son appartement et, pire encore, un mari colérique qui la couronnera reine non par élection mais par dépit – elle est la seule femme présente. Marie-Claude Treilhou sonde avec une simplicité pleine de nuances la fatalité inhérente à la notion de famille, interroge la capacité de la parole à y assurer la communication, dirige de merveilleuses comédiennes avec un sens du cadre remarquable. Une œuvre profondément humaine et mélancolique.