They are not long, the weeping and the laughter,
Love and desire and hate:
I think they have no portion in us after
We pass the gate.
They are not long, the days of wine and roses
Out of a misty dream
Our path emerges for a while, then closes
Within a dream.
Poème (« Vitae Summa Brevis ») signé Ernest Dowson qui donne son titre au film. (Pour l’anecdote c’est aussi l’un de ses poèmes qui donnera le titre de "Gone with the Wild")
Avec « Le jour du vin et des roses », Blake Edwards nous fait suivre Joe, un attaché de presse alcoolique. Il va peu à peu retrouver un équilibre lorsqu’il rencontrera Kirsten mais les démons de l’alcool ne sont jamais bien loin et peuvent en (ré) entrainer plus d’un en enfer…
Black Edwards ouvre son film comme une charmante et marrante comédie romantique (presque à la Billy Wilder) avec un Jack Lemmon irrésistible dans un registre qu’il connait bien et face à lui la craquante Kirsten. Ca commence mal (par une belle baffe après une excellente première scène) mais ils se rabibochent assez vite et commencent peu à peu à sortir ensemble. Il n’axe pas ces moment-là sur la boisson, juste pendant deux tirades où on apprend qu’elle ne boit pas (mais ne dit pas non à l’alcool chocolaté qu’il lui offre, le « Brandy Alexander » !) mais l’alcool n’est jamais loin, dans un bar, dans un appartement, en course et finalement montre que ca fait partie intégrante de la vie sans que les protagonistes ne s’en rendent compte.
Et peu à peu, après avoir bien présenté ses personnages tout en faisant passer l’alcool au second plan et le mettant comme un élément ordinaire de la vie, tout bascule juste après la rencontre avec le père et cette fameuse phrase de Kirsten. Il passe alors avec intelligence et facilité à une partie de plus en plus dramatique où il montre avec intensité et sans concessions, les effets de l’addiction et de l’abus d’alcool, mais aussi la façon dont on tombe dedans et la difficulté d’en sortir. Il montre la détérioration des relations, que ce soit entre eux ou avec l’extérieur, les difficultés d’avoir une vie normale et saine, de garder et/ou trouver du travail…
C’est très intelligemment et astucieusement écrit, que ce soit au niveau des personnages, des dialogues ou du déroulement avec ce récit divisé en deux parties qui nous permet de d’abord s’attacher aux personnages en les voyant dans la vie de tous les jours, chez eux, à leur travail puis la descente aux enfers dans la deuxième partie. La mise en scène est parfaite et élégante et surtout il donne de l’intensité et de la puissance à son récit tout en filmant les évènements et les personnages de la plus réaliste des manières. Il ne tombe jamais dans la facilité ou le pathos et n’hésite pas à être très dur dans son traitement et évite aussi toute édulcoration. La photographie en noir et blanc est superbe et la partition de Henry Mancini impeccable.
Certaines scènes sont marquantes et c’est avec une aisance étonnante qu’il passe du rire au drame, de Jack Lemmon aspergeant l’appartement de Kirsten de produits contre les cafards avec humour et légèreté à ce même Lemmon en camisole de force se battant contre ses propres démons.
Jack Lemmon est autant à son aise dans la première que la deuxième partie et livre une remarquable composition, prouvant une fois de plus qu’elle très (très) grand acteur il était. La mignonne Lee Remick lui donne superbement la réplique, elle aussi est à l’aise dans plusieurs registres que ce soit dans la première partie ou lorsqu’elle tombe aussi dans l’addiction et l’impossibilité de s’en détacher.
Plus qu’un simple coup de cœur, un film qui m’a fait passer par plusieurs sentiments, qui m’a tour à tour charmé, fait rire, proposer des réflexions autours de l’alcoolisme et de sa place dans la vie à travers les deux parties, puis bouleversé et pris aux tripes. Des films puissant comme on (je) en voit très peu…