Depuis quelques années, je me repasse chaque 6 juin le Jour le plus long, c'est comme une tradition, je ne peux l'expliquer et je ne m'en lasse jamais... peut-être parce que j'aime bien la Normandie et que j'ai été captivé en visitant les plages et plusieurs musées consacrés au Débarquement. Mais aussi parce que ce film est tellement exceptionnel. C'est surtout l'oeuvre d'un seul homme qui a pris d'énormes risques.
Darryl Zanuck avait le goût du colossal triomphant, et le Jour le plus long était taillé à sa démesure. Grand patron de la 20th Century Fox, il fut en effet le tout puissant général en chef de cette gigantesque entreprise où il jouait d'un coup l'avenir de sa carrière de producteur, car il investit son énergie, ses amitiés personnelles avec Eisenhower, lord Mountbatten ou lord Lovat qui lui fourniront le concours militaire nécessaire, et surtout ses appuis financiers qui l'auraient ruiné en cas d'échec. Fort heureusement, le film fut un triomphe international mérité et remboursa ses frais en 6 mois.
le Jour le plus long, c'est d'abord des chiffres qui donnent le tournis en 1962 : 8 millions de dollars, 10 mois de tournage, 66 heures de projection (dont 3 retenues au montage), 167 rôles parlants, 54 vedettes internationales, 23000 figurants, 56000 balles à blanc, 4 metteurs en scène réglant des séquences par pays, 37 conseillers militaires, 310 techniciens, et des tonnes de matériel (navires, véhicules, armements, uniformes...).
On s'amuse parfois à reconnaître les visages de stars, car ici on est servi, c'est du "all stars cast" de gros calibre... mais ce film même s'il n'est pas le meilleur film de guerre jamais réalisé d'après Zanuck, parvient quand même à toucher le spectateur par son souci de réalisme, sa formidable énergie, sa bonne cohésion entre les scènes d'action et les scènes d'état-major, et surtout par ses scènes inoubliables habilement reconstituées en France : celle dramatique de Sainte-Mère-Eglise, celle de la pointe du Hoc, celles explosives de Omaha Beach, ou encore celle de l'attaque du casino de Ouistreham par le commando Kieffer, seule unité française ayant participé au Débarquement (monument commémoratif sur la plage de Ouistreham). Cette scène très intense fut tournée à Port-en-Bessin avec un casino reconstruit à l'identique et destiné à être détruit... sans oublier les scènes du Débarquement proprement dit (en partie réalisées à Sablanceaux sur l'île de Ré), qui sont troublantes d'authenticité.
Ces scènes ont été tournées par Andrew Marton, grand spécialiste des scènes d'action à Hollywood (à qui l'on doit la course de chars de Ben-Hur), et auxquelles il a donné une dimension stupéfiante. Très intelligemment, le film préfère s'attacher au GI's anonyme plutôt qu'à trop d'officiers, dressant ainsi des portraits attachants et établissant un lien plus fort avec le public, l'aspect humain n'est pas noyé par les scènes d'action, ça nous touche profondément comme on finit par ressentir l'intensité des combats. La seule faiblesse de ce monumental travail réside dans les scènes françaises qui sont très conventionnelles, et particulièrement le rôle joué par Bourvil. Mis à part ce léger défaut, on demeure fasciné plus de 70 ans après les faits par cette restitution sincère qui a le mérite d'être un véritable spectacle en même temps qu'une grande leçon d'Histoire. Grandiose et instructif..