Dans la petite chambre au dernier étage d’un immeuble, un homme en tue un autre. Cet homme c’est Jean Gabin, avec son oeil joyeux et l’autre, « un tout petit peu triste ». Le spectateur entre dans le film un peu par hasard, au détour d’une rue. Par curiosité, on s’arrête, on veut savoir. On s’attarde dans l’escalier, les commérages vont bon train. Qui a tué ? Pour quel motif ? Le tueur n’a rien d’un assassin. Mais cela, nous le découvrirons au fur et à mesure. La caméra a le privilège d’un tête à tête en huis-clos avec le protagoniste de cette histoire. L’histoire ? Assez banale. Un type rencontre une jeune femme, il la fréquente et il l’aime. L’aime-t-elle aussi ?
Et puis il y a l’autre, celui qui collectionne les femmes, plus qu’il ne les aime et se pose en rival.
Dans la petite chambre, François regarde une broche posée près d’un ours en peluche. Des objets encore sans histoire pour le spectateur.
Ces objets seront les déclencheurs des moments de flashback destinés à éclaircir la situation dans laquelle on trouve le personnage au début du film et son acte déraisonnable, pour ne pas dire insensé. Un fondu enchaîné sur le visage de Jean Gabin, une armoire, le pistolet... nous renvoient dans un passé pas si lointain, celui de François, dans la petite chambre où il s’est reclus pensant ainsi pouvoir échapper au monde. Le cri qu’il jette à la fenêtre, destiné aux curieux en bas de l’immeuble, est un cri de rage et de désespoir. François se sait condamné.
L’histoire d’amour entre François et Françoise, elle, peine à décoller, et on se surprend à trouver dans le couple hasardeux formé par Arletty et Gabin, un duo original, le résultat d’une dissymétrie qui se révèle harmonieuse. Mais François n’aime que Françoise et Arletty s’efface devant cet amour dont elle devine qu’il ne s’adressera jamais à elle. Elle reste néanmoins une figure émancipatrice parce que lucide sur les relations humaines qui se tissent, se nouent et se dénouent autour d’elle (les siennes et celles des autres). Jules Berry est formidable dans son rôle de manipulateur et donne aux dialogues de Jacques Prévert un pouvoir subjuguant. Le film, tragique, nous donne pourtant aussi à rire malgré, en toile de fond, tout le sérieux d’un sujet telle que la condition ouvrière.