Quelque peu discutable dans son fond social et politique un poil too much, à l’image de ce carton à l’inscription scabreuse qui le conclut, Le juge et l’assassin n’en demeure pas moins un sacré morceau de cinoche, un film qui pose des questions sensibles et y répond par l’expérience, celle que l’on subit pendant 2H.


Qui du juge ou de l’assassin est le plus obsédé par ses propres envies, lequel de ces deux bougres est le plus à sauver, si tant est qu’il y en ait un qui le mérite. Entre le soldat, un peu simple, qui se prétend envoyé par Dieu sur terre pour arracher leur pouvoir aux puissants et le noble, bien sous tout rapport, qui n’hésite pas à manipuler les différentes parties prenantes au procès qui est censé le mettre en lumière, et viole sous la colère celle qu’il prétend aimer, difficile de désigner le moins salaud. Pour Bertrand Tavernier, les deux hommes sont aussi perdus l’un que l’autre, et si le juge parvenait encore à contenir son côté noir, au contact du fou qui a laissé sa rage criminelle s’exprimer à de nombreuses reprises, les verrous contenant son monstre intérieur cèdent les uns après les autres. « Nous sommes tous des assassins, au moins en puissance » se laissait dire Philippe Noiret en début de film sans se douter qu’il finirait par illustrer ce propos en se faisant bouffer tout cru par une ambition démesurée.


Pour accompagner son propos très coriace, Bertrand Tavernier soigne ses cadres. Lorsqu’il suit son tueur dans les campagnes que ce dernier dépouille de leur innocence (truculent et cabotin Galabru !), c’est armé d’un coup d’œil aguerri qui fait la part belle aux grands espaces. Un sens de la composition que l’on retrouve également dans les nombreux échanges qui mettent en scène les deux protagonistes du film, lorsqu’ils se retrouvent par exemple dans la cellule provisoire du futur condamné à l’échafaud, pour un dernier échange sous tension.


C’est néanmoins cette partie du film qui fait un peu défaut à l’ensemble. L’ellipse finale est très brusque, le coup du sort qui frappe Noiret en fin de bobine également. Peut être est-ce là la limite du film, cette féroce volonté de dénonciation qui s’attaque à tous les fronts en même temps sans les développer réellement. Nature humaine, fresque sociale, dénonciation politique, tout finit par s’emmêler de façon un peu hasardeuse lorsque la conclusion se dessine.

oso
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le 13 mai 2015

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