Le talent artistique ne dépend pas du progrès technique

Le Kid, film muet de 1921, est la preuve parfaite que la qualité d'un film est indépendante du progrès technique. En 1921, il est en effet déjà possible de raconter une histoire, de faire rire et d'émouvoir. Ce qui viendra dans les années suivantes (le son, la couleur, les effets spéciaux) n'augmente nullement cette capacité artistique déjà toute constituée. Il est même remarquable que Le Kid, en 1921 et en 50 minutes, fasse sans doute mieux que 95% des films et des séries d'aujourd'hui.

Le Kid mélange tragédie et comédie, mais il serait plus exact de dire qu'il construit du comique à partir d'une base profondément tragique. Ainsi, le comique du Kid est-il beaucoup plus discret que le comique burlesque des Temps modernes, et peut-être est-il par là un peu moins drôle (c'est mon avis). Par ailleurs, même si son histoire est émouvante, Le Kid n'arrive pas pour moi à la hauteur des Feux de la rampe qui m'avait beaucoup plus touché.

Il faut admettre que Le Kid a ce talent devenu rare aujourd'hui de raconter une bonne histoire, avec un début et une fin. Le happy ending, même s'il est peu crédible, traduit la générosité de Chaplin envers le spectateur : cette qualité, elle-aussi, tend à se perdre.