Quoi de mieux pour inaugurer mon arrivée dans le cercle très fermé de la critique que d'ouvrir les festivités avec un film envers lequel je n'ai ni trop d'affection, ni un profond dégoût:
Le Labyrinthe de Pan !
Et à peine commencé, que déjà je vous assomme d'un mauvais jeu de mot en titre, vous m'excuserez mais je tenais absolument à marquer le coup.



Le syndrôme du soufflé au fromage



Hum ! Si jamais vous n'avez eu l'occasion de gouter un soufflé au fromage, n'hésitez pas un instant et expérimentez cette merveille ! Si beau et si rond, doux et tellement bon ! Je vous le promets, vous ne serez pas déçu ! Jusqu'au moment où le voilà sous vos yeux, dégonflé au fond du plat... où est passée la merveille qui vous avait été promise ?


Le voilà ce fameux syndrome, celui-là même qui fait d'un film passable la victime de sa propre promotion et fini par le rendre minable. Il est possible que j'y aille fort sur les mots car ce film n'est pas si minable que ça, mais sa si grande popularité l'a trahi et a fini par le dévaloriser comparé à ses qualités initiales (c'est éminemment paradoxal mais ça se passe trop souvent de cette manière).


Mais qu'est ce qui ne va pas dans ce film nom d'un chien !


Et bien deux choses:



  • Le film traite dans deux univers différents, d'une part nous avons
    affaire à un pseudo-réalisme manichéen où les méchants sont très
    violents et où les gentils sont vraiment, mais alors vraiment très impuissants.


(sauf pour ce qui est de la résistance)


.



  • Et un monde fantastique où créatures mythologiques et royaumes
    oniriques se mélangent pour matérialiser une atmosphère au grand
    potentiel mais qui est en mon sens bien trop inexploitée, mais j'y
    reviendrai plus tard.


J'ai du mal à cerner l'intention du réalisateur après avoir visionné ce film, veut-il s'adresser à un jeune public auquel il destine ce conte fantastique ? Non ! Bien trop sanglant pour montrer ça à des enfants de 12 ans. Souhaite-t-il toucher un public plus mature alors ? Mais pourquoi diable tant de niaiseries maladroites dans ce cas ? Tout est si noir ou si blanc, le grand méchant à la James Bond et son accent à couper au couteau, habillé d'un uniforme de l'armée espagnole suivi de ses sous-fifres tout aussi bêtes et méchants que lui, ils ne leur manqueraient plus que le grognement pour être pleinement convaincants. Bon tout ça se passe sur fond historique dans une Espagne d'après guerre dans laquelle l'armée possède un grand pouvoir et contre laquelle s'oppose un petit groupe de résistants. Tout ça est très intéressant mais pourquoi est-ce traité de manière si superficielle ?
On veut en savoir plus bon sang ! Bon après tout, peut-être que le réalisateur a pris le parti de laisser de côté cette part là du récit.


Et bien non ! Le monde magique qui n’apparaît que très peu finalement et qui frustre au plus haut point tant les maigres instants que nous en avons sont relativement savoureux.
L'ambiance de ce monde mythologique est vraiment très agréable à parcourir de minutes en minutes mais jamais suffisamment développé, reste dans le superficiel encore une fois et dans traitements trop classiques et bassement spectaculaires.
Pourquoi ne pas avoir laissé plus de place à la poésie dans un monde qui n'appelait qu'à en recevoir d'avantage !


J'en veux pour preuve cette scène où Offelia doit subtiliser un poignard à l'homme pâle en évitant à tout prix de céder à la tentation de goûter à son séduisant et riche banquet, chose à laquelle la jeune fille ne pourra résister et s'en suivra une scène de poursuite où elle manquera de justesse de se faire enfermer dans le monde magique. Trop prévisible ! L'univers est exquis mais sont utilisation et la manière dont il est scénarisé est vraiment décevant.



Et puis la magie s'en va



Après tout, ce film n'est pas une si mauvaise expérience cinématique et je vous la conseillerai plutôt puisque l'on passe un moment agréable. Disons que ce qui gâche quelques peu l'appréciation de l'oeuvre, comme dit plus haut, est le fait que nous n'avons là qu'un semblant d'ébauche pour un film qui aurait pu nous en offrir beaucoup plus. Timide le Guillermo ?


Le critère majeur qui me permet d'identifier un bon film, une bonne musique ou une bonne oeuvre d'art (une idée qui ne vient pas de moi à l'origine mais que je trouve très juste), c'est que si l'oeuvre après l'avoir visionné une fois, et en me replongeant une seconde fois dans celle ci je retrouve cet étonnement, cette magie des premiers instants, tout comme un nouveau né lorsqu'il découvre le monde au travers de ses sens fraîchement aquis. Alors c'est que cette oeuvre en question a un grand potentiel et une finition remarquable, que tout ne peut pas nous apparaître au premier regard, que des aspects nous échappent encore et nous échapperont toujours. (2001 si tu nous entends)


C'est ce qui a manqué à ce film et qui m'a profondément déçu, alors que ce récit a l'étoffe d'une oeuvre merveilleuse et très forte.


Mais pour finir je ne critiquerai pas ce film dans le sens où, il me semble, l'intention première de Guillermo del Toro n'était pas de faire un "grand" film mais bien un film que l'on pourrait associer au divertissement, auquel cas le film déçoit bien moins nos attentes(en fonction des goût très subjectifs de chacun évidemment).


(Pour ce qui est du syndrome du soufflé au fromage, c'est avec ce film que j'ai commencé à me méfier des critiques avant un film et qui créent ces a priori dangereux pour l’appréciation d'une oeuvre... et que m'est venu à l'idée cette comparaison vraiment ridicule)


PS: Première critique oblige, je vous invite à me reprendre sur des erreurs, des maladresses ou toutes autres choses qui me serviront à l'avenir pour mes prochains billets !

Bakwe
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le 24 mars 2015

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