Attiré par une bande annonce des plus intrigantes, piquant d’autant plus ma curiosité qu’elle cite Yumeno Kyûsaku en source d’inspiration (auteur de l’inénarrable livre culte qu’est Dogra Magra), voilà comment Yume no Ginga me fit office d’introduction des plus singulières au cinéma visuellement fort de Sogo Ishii.
Je voudrais juste commencer par apporter une petite précision sur le titre. Sa traduction approximative par « le labyrinthe des rêves » n’est pas tout à fait exacte (une fois n’est pas coutume). Les kanjis 銀河 signifiant « galaxie », et non « labyrinthe ».
Alors pourquoi je pinaille me direz vous ? Eh bien parce que premièrement je suis un emmerdeur, et deuxièmement surtout parce que je trouve la géométrie —si je puis dire— d’une galaxie, évoquant une représentation sphérique, beaucoup plus pertinente et en phase avec la structure en spirale de la narration.
J’écarte volontiers tout résumé de l’intrigue, pour le coup redondant et inutile. Je vais juste me contenter de vous dire qu’il s’agit d’une histoire d’amour, d’une histoire de meurtre, et d’une histoire emprunte de mystère. Tout ça à la fois.
Mais peu importe, ici l’importance et l’impact du film se joue sur sa puissance onirique et visuelle. Ishii nous offre l’un des plus beaux noirs et blancs qu’il nous ait été donné de voir ces dernières années ; un monochrome flou, brumeux, au noir abyssal et aux blancs saturés qui se diluent sur des tons de gris éthérés, véritable voyage dans le temps sur pellicule apportant de la crédibilité au contexte historique qu’elle capture (les années 30).
J’ai été vite happé par cette ambiance de cauchemar en noir et blanc illustré par des décors sombres, ombragés et souvent boisés. Un environnement filmé de nuit, sous un soleil jouant derrière les nuages ou sous une pluie battante, en nocturne. Très rapidement, Yume no Ginga s’impose en véritable machine fantomatique à provoquer l’hypnose, impression renforcée par des compositions sonores aériennes et particulièrement dosées, ainsi que par le charisme inquiétant de Tadanobu Asano.
Plus qu’un film contemplatif —ce qu’il n’est pas, contrairement à ce que j’ai pu lire, il s’agit là d’un récit atmosphérique, comme échappé du temps, qui n’apporte pas la satisfaction d’une conclusion attendue ou rassurante pour préférer intriguer et laisser une marque qui hante l’œil. Une tache de lumière sur une photographie prise pour une apparition fantomatique.
Je ne vous cache pas non plus que d’un autre côté la narration en voix off, une certaine langueur et l’aspect déroutant de l’ensemble puisse rebuter. Toutefois, il suffit de jeter un coup d’œil sur la bande annonce pour comprendre qu’il serait dommage de ne pas tenter de plonger dans cette brume sombre visuellement remarquable, et de se laisser emporter par l’intrigue flottante et mystérieuse qu’une poignée d’acteurs convaincants sert à point.
Je ne connaissais pas Ishii (qui se fait maintenant appeler Gakuryû Ishii). Tout au plus je savais qu’il trainait la casserole de réalisateur de films punk, et que par la même il avait réalisé deux des films de ce courant ayant attiré mon œil curieux : Burst City et Crazy Thunder Road.
J’ai un train à rattraper, moi.