Et donc dans le nouveau film de Diao Yinan, il y a un truand en cavale, il y a un gang de malfrats et des flics à ses trousses, il y a une épouse complètement à l’ouest et il y a une prostituée au grand cœur qui semble avoir tapé dans l’œil des critiques du monde entier parce qu’elle tient sa cigarette de façon inhabituelle. Et donc toutes et tous font la gueule, parlent comme si parler nécessitait un effort quasi surhumain, anéantissait chaque parcelle d’énergie du corps, et toutes et tous (sur)vivent dans une Chine des bas-fonds où grouillent miséreux, voyous et "baigneuses" aux largesses tarifées. Où l’on fait des flashmobs sur Boney M et où l’on trucide à coups de parapluie.


Nous sommes à Wuhan, capitale tentaculaire de la province de Hubei aux nombreux lacs, dont celui aux oies sauvages sur les rives duquel le destin finira par rattraper Zhou Zenong, ce truand en cavale. Pluvieux et nocturne, illuminé de néons et autres lueurs phosphorescentes, Le lac aux oies sauvages promettait un grand film néo-noir mariant les figures du genre à la contemporanéité d’un pays socialement à la dérive. Yinan a d’ailleurs sorti le grand jeu : structure narrative éclatée flottant entre flashbacks et temps présent, esthétique très travaillée, violence omniprésente s’autorisant deux ou trois dérapages gore, mise en scène au cordeau alternant courses poursuites et instants au ralenti, stases suspendues, voire oniriques (la scène du zoo ou celle du cirque).


Il y avait, de fait, tout pour plaire dans Le lac aux oies sauvages, sauf qu’aspirations et volontés s’emboîtent mal, qu’enjeux et personnages restent sans attrait, étrangement désincarnés (Zhou Zenong par exemple donne l’impression de faire du surplace plutôt que de fuir, de ne jamais redouter quoi que ce soit, vivant les événements comme s’ils n’avaient même pas lieu). Du début à la fin, il n’y a simplement pas d’autres mots : on s’ennuie ferme, on ne ressent rien (à la rigueur quelques émerveillements, parfois quelques attentions) et on se moque bien de ce qui pourra advenir des un(e)s et des autres. Yinan se perd dans sa propre ambition comme le scénario se perd dans des circonvolutions trop flagrantes, nous perdant également tout au long d’un film au rythme décousu dont l’intérêt peine à dépasser celui d’un exercice de style cachant mal son insignifiance.


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le 25 déc. 2019

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