LE LENDEMAIN ou THE HERE AFTER
Le synopsis de ce film suédois tourné en Pologne et soutenu par la Fémis et d’autres producteurs français (télé, soutiens publics, etc.) est à respecter si on ne veut pas émousser tout l’intérêt de ce long métrage :
John, un adolescent presque adulte, sort du centre de détention où il a passé 2 ans après un crime pour lequel il a été jugé coupable. Son père le récupère pour le ramener à la ferme familiale, le réintégrant à la vie quotidienne dès le voyage en voiture, dans une ambiance tendue.
Le droit à l’instruction permettant au jeune homme de retourner au lycée, il choisit de retrouver celui où il allait avant, dans la même classe où il était. La petite communauté ne va bien évidemment pas être très accueillante.
Je ne sais pas si vous avez vu LA CHASSE de Thomas Vinterberg avec Madds Mikkelsen qui jouait un homme aux prises avec une rumeur de pédophilie. L’ambiance est moins dramatique mais moins sèche. Le réalisateur de LE LENDEMAIN Magnus von Horn a quelques courts métrages à son actif et scénarise aussi mais il s’agit là de son premier long métrage. Et je dois dire qu’il réussit son premier essai !
Choisissant de tourner en Pologne avec son casting suédois – dont le jeune Ulrik Munther, popstar révélée par les réseaux sociaux et la télévision, qui est son personnage principal – Von Horn s’inscrit pourtant dans une tradition cinématographique (sans doute ce qui aura séduit la Fémis lors de son séjour à la Cinéfondation de Cannes) présentée à la quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes l’an dernier. D’abord un fait divers, l’histoire de ce jeune homme qui a purgé sa peine et tente de se réinsérer questionne. Magnus von Horn compte là-dessus pour faire accepter au spectateur la tension des non-dits, du silence, des poings serrés et des mâchoires fermées. La photographie de Lukasz Sal (vous avez peut être vu l’estimé Ida et son noir et blanc formel) fait des merveilles tout en sobriété avec ses aplats rudes qui transcrivent bien la ruralité simple sans être frustre des campagnes polonaises.
Les acteurs sont parfois assez monolithiques mais l’absence de réponses à certaines questions obligera le spectateur à s’interroger sur le crime qu’a commis John et que personne ne peut lui pardonner. Les indices émaillent le film régulièrement. Il ne s’agit pas là d’un jeu pervers – d’ailleurs on sera gréé à von Horn d’avoir su se priver du fainéant flashback montrant ce qui tout provoqué. De nombreux réalisateurs auraient usé de facilité scénaristique, montant de façon elliptique l’expression de la violence. Cela s’explique sans doute par le fait qu’il choisit de filmer un être humain qui a certes commis un acte répréhensible mais qui n’est pas un monstre. Il s’agit d’une personne, avec ses fragilités, ses faiblesses, son ego, ses petits abandons ou lâchetés, mais aussi ses moments de courage. Le pardon est le fil rouge, la rédemption. Mais pas d’angélisme.
En effet, Le Lendemain est un film qui n’occulte pas la part d’ombre. Quand on passe à l’acte – quel qu’il soit – c’est l’aboutissement de quelque chose qui a mûri à l’intérieur de soi. Le cinéma a montré ça de façon très perverse dans le film adapté du roman éponyme WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN, où une mère campée par Tilda Swinton assistait aux manifestations de la personnalité sociopathe de son fils joué par Ezra Miller. Vous seriez surpris de découvrir le nombre de manuel d’éducation à destination de parents d’enfant sociopathe. Je sais que je vous ai habitué à une cohorte de clowneries mais là je suis très sérieuse. Je pense aussi de façon moins personnelle à l’indispensable ELEPHANT de Gus van Sant qui s’attardait sur le massacre de Columbine. Dans la littérature (américaine hein, je pense que tout le monde tiltera…), Stephen King a bien décrit lui aussi dans la langueur du quotidien routinier la naissance du Mal. Je pense notamment à RAGE où un adolescent prend sa classe de lycée en otage…
Bref je disais ici que Le Lendemain nous invite dans l’après. D’ailleurs je trouve que les titres français et anglophones (THE HERE AFTER) sont tous deux très justes pour une fois. John essaie certes de se réintégrer à sa société d’origine, afin de ne pas rester seul, mais sa communauté ne veut plus de lui. La rédemption lui est interdite, le pardon. On le prive donc alors de la guérison de son âme, alors qu’il est encore jeune et que les graines d’une violence sans émotions sont en lui.
Une forme de punition sournoise, larvée, indirecte, de mise au ban va se mettre en place. La question du rachat est bien là quand est nommée la peine de mort. Bien que John fasse profil bas, apathique au point de ne pas réagir quand on le gifle, le petit milieu réactionnaire ne lui fera pas de cadeau. Ou alors à coups de pied dans le crâne… En cela, cela rappellera l’ambiance poisseuse du film BOY’S DON’T CRY de Kimberly Peirce avec Hillary Swank. L’issue de l’intolérance est souvent fatale…


Badinter girl, je vous citerai en deux fois Vidocq. Bagnard, policier et détective, il est souvent considéré comme le père de la Police Judiciaire en France.
« À quoi sert un code qui proportionne les peines aux délits, si le coupable est marqué pour toujours du sceau de la réprobation ? L’injuste préjugé créa la récidive. »
ET « La peine de mort est une peine immorale ou du moins inutile parce qu’elle habitue le peuple au spectacle des supplices et parce qu’elle ne répare rien ; car malheureusement la mort du meurtrier ne rend point la vie à la victime. »
Je vous laisse méditer là-dessus car même 35 ans après son abolition chez nous, c’est encore contesté régulièrement. Ne ratez pas LE LENDEMAIN. Voilà un film sans apprêt – vous me permettrez – qui sans tambour ni trompette, vous invite à ne pas voir la réalité d’une façon manichéenne.

Gribbsie
7
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le 11 juin 2016

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