(le thème principal de Teo Usuelli : https://youtu.be/n1t-48j-BPk
Et celui de Nini Rosso aux cuivres : https://youtu.be/8dgsqKL1d3A)


Objet d'une rétrospective à la Cinémathèque française, l'œuvre de Marco Ferreri est également mise à l'honneur chez Tamasa, avec la sortie de plusieurs de ses films . Comme ici Le Lit conjugal, où l'originalité provocante de Marco Ferreri s'étalait au grand jour.


Après avoir tourné trois films en Espagne avec Rafael Azcona au scénario (L'appartement, Los chicos et La Petite Voiture), Marco Ferreri retourne en Italie et signe son premier long-métrage italien, L'Ape Regina ("La Reine des abeilles") en 1963. Avec cette comédie aussi grotesque que terrifiante sur « l'enfer » du mariage et le devoir de procréation, Ferreri rencontre de nouveau les foudres de la censure, tout comme ses premières réalisations espagnoles. Le scénario fut saisi pour obscénité et un procès eut lieu, imposant des coupes, modifiant le titre... Tout en faisant de la publicité au projet ! Comme nombre de ses collègues transalpins, Ferreri s'adonne en effet avec joie à une charge anti-cléricale présentant Regina comme une jeune femme vierge pas si pure que cela (voir son regard complice avec une nonne) et fait du curé à la fois un entremetteur et un conseiller conjugal n'hésitant pas à prescrire des piqûres d'hormone au pauvre Alfonso pour qu'il puisse effectuer sa mission : rendre enceinte Regina !
Thème central de l'œuvre du cinéaste, les questions de la procréation et de la fin de l'homme se retrouveront par exemple dans La Semence de l'homme ou Le Futur est femme. Et qui de mieux pour interpréter ce mâle triste s'épuisant à accomplir son rôle de reproducteur qu'Ugo Tognazzi. Sa prestation, auréolée du prix du Ruban d'argent en 1964, nous fera passer du rire aux larmes et marque la première d'une fructueuse collaboration avec Ferreri (La grande bouffe, Touche pas à la femme blanche...). Sa déambulation dans le cimetière, accompagnée des trompettes de Nini Rosso, et sa triste fin, reclus dans la plus petite chambre de l'appartement pour laisser place au futur enfant, sont de magnifiques séquences proches de la comédie néo-réaliste.


LE FUTUR EST FEMME


Dans le rôle de Regina, on retrouve la française Marina Vlady dans un rôle aussi sensuel qu'ambigu. Elle recevra d'ailleurs un prix d'interprétation bien mérité à Cannes. Sa transformation de jeune vierge effarouchée et angélique en une véritable reine des abeilles, prenant soin d'« éliminer » son faux-bourdon, est remarquable et fait froid dans le dos. D'abord réticente à l'acte sexuel avant mariage, cette mante religieuse, bientôt veuve noire, épuisera ensuite littéralement son mari que ce soit au bureau sur un canapé ou bien, et pour leur première fois, dans un ancien couvent avec un squelette tenant une faux à leurs côtés ! Et c'est ce côté érotico-macabre qui fait tout le sel et l'originalité du film. Dans la famille bigote de Regina, qui possède un appartement avec vue sur le Vatican (!?), seules les femmes vivent encore, les maris étant tous morts leur don de soi accompli ! Un véritable matriarcat faisant évidemment référence au titre original bien plus explicite que le titre français. Un regard misogyne certes, mais qui met surtout en lumière le poids des institutions et de l'éducation des femmes.


En conclusion, dès son premier flm italien, Ferreri impose sa patte et ses obsessions et assoit sa notoriété. Sorti à une époque où la vitalité du cinéma italien était incroyable (Le Guépard, Les Monstres, Huit et demi par exemple sortent cette même année 1963), L'ape Regina est une incontestable réussite, comédie douce-amère servie par un couple d'acteurs magnifiques et un scénario férocement machiavélique.


( Retrouvez l'évaluation de la partie technique de l'édition Blu Ray-dvd de Tamasa Diffusion par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6723)

SB17
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes DVD : les italiens. et Regard critique.

Créée

le 14 févr. 2022

Critique lue 198 fois

11 j'aime

5 commentaires

SB17

Écrit par

Critique lue 198 fois

11
5

D'autres avis sur Le Lit conjugal

Le Lit conjugal
Teklow13
8

Critique de Le Lit conjugal par Teklow13

La comédie italienne est probablement le genre cinématographique qui a le plus abordé les problèmes conjugaux, et particulièrement sur le plan sexuel. Société italienne de l'époque oblige. Ici il...

le 13 juin 2012

7 j'aime

Le Lit conjugal
In_Cine_Veritas
7

Mari, vœu d’âge

En 1962, Le lit conjugal marque la première collaboration entre le metteur en scène Marco Ferreri et le scénariste Rafael Azcona. D’autres suivront les années suivantes dans une veine initiée ici qui...

le 22 déc. 2019

2 j'aime

Le Lit conjugal
inspecteurmorvandieu
6

Critique de Le Lit conjugal par inspecteurmorvandieu

Sympathique quadragénaire, Alfonso épouse une jeune fille pieuse et gracieuse qu'il s'apprête enfin à "consommer". Contre toute attente, c'est la douce Régina qui accable Alfonso de son appétit...

le 16 janv. 2025

Du même critique

Milan Calibre 9
SB17
8

L'homme qui valait 300 000 dollars

(1972. FR.: Milan calibre 9. ITA.: Milano calibro 9. Vu en VOST, Blu-Ray Elephant Films) A peine sorti de prison, Ugo Piazza (Gastone Moschin) se retrouve dans l’œil du cyclone. Entre l’organisation...

Par

le 1 avr. 2021

24 j'aime

6

Colorado
SB17
8

La dernière chasse

(1966. FR : Colorado. ITA : La resa dei conti. ENG : The big gundown. (titre français assez débile puisque le film se déroule au Texas et au Mexique…) Vu en VOST, version Director's...

Par

le 2 janv. 2021

20 j'aime

9

Le Boss
SB17
8

La valse des pantins ou… Henry (Silva), portrait d’un serial-killer !

(1973. Il Boss. Vu en VOST, Blu-Ray Elephant Films) Palerme, années 1970’s. Suite à un massacre commis par Lanzetta (Henry Silva), sur ordre de Don D’aniello (Claudio Nicastro), contre la famille...

Par

le 9 avr. 2021

19 j'aime

3