"Le livre d'Eli", c'est un peu l'enfant illégitime de George Miller et Zack Snyder: Un film de post-apo où l'on montre plus que l'on suggère, et qui fait la part belle aux grandes plaines désertiques, mais aussi aux ralentis putassiers sur des personnages...en train de marcher.
Plus concrètement, Denzel Washington incarne Eli, l'un des rares survivants d'une Guerre ayant causé un "trou dans le ciel" et l'anéantissement par brûlure de la population mondiale.
Équipé de ses lunettes de soleil badass, ses machettes et son canon-scié (coucou "Mad Max"), il transporte un livre "vers l'Ouest" et pète la gueule de ceux qui se mettent en travers de son chemin.
Mauvais point pour le film: Il peine à créer une atmosphère originale par rapport à ce qui existe déjà dans le domaine du post-apo. On a un peu l'impression que les réal ont réuni leur équipe et leur ont tenu ce speech : « Et toi Dédé ? Ça t'évoque quoi un Monde post-apocalyptique ? Hmmm … ? Des voitures abandonnées ? Des bad-boys en moto ? Des gangs bien crasseux ? Du sable ? Hmmm... Et toi Simone ? Comment ? Les bad-boys doivent pas être aussi flippants et tarés que dans « Mad Max » ? Ouais, film à public large oblige... Boarf, disons qu'ils ont des motos, ça fait peur les motos. »
Quand on couple cela avec des décors, certes beaux la plupart du temps, mais détaillés à l'extrême et ne laissant aucune place à la suggestion, l'ambiance angoissante propre au genre peine à s'installer.
Autre point qui peut rebuter : Le personnage d'Eli. Il est ultra-badass et ses cassages de culs par paquets de douze sont assez jouissifs. Sauf que cela créé deux problèmes. Premièrement, on a du mal à être inquiet pour lui, sachant qu'il se tire toujours des pires situations presque sans transpirer. Et deuxièmement, le film devient carrément répétitif au bout d'un moment. Denzel va d'embuscade en embuscade, trucide, s'en va, etc...
Et puis il y a ce traitement très « Snyderien » de l'image qui saoule vite. Filtres gris, ralentis inutiles...ça va, on a compris qu'il était badass.
Mais sinon, le film est très loin d'être mauvais. Si l'ambiance n'est pas originale, elle reste cohérente et nous maintient dans le film, une fois accepté le fait que l'on a plus affaire à de l'aventure qu'à du survival.
Les acteurs jouent globalement bien (Mila Kunis est un peu chiante mais ça rebute pas tant que ça). Gary Oldman (le méchant, vous vous en doutiez), n'est pas dans son plus grand rôle mais c'est toujours aussi plaisant de le voir naviguer entre colère contenue et explosions de rage. Denzel Washington est très bien, touchant par moments.
La scène de l'attaque de la maison à la mitrailleuse est assez dantesque tant elle tranche avec les confrontations plus « western » qui avaient lieu jusqu'alors. Je regrette d'ailleurs que le couple de vieux cannibales vivant dans cette maison n'aient pas été plus exploités afin de nous donner de vrais personnages hallucinés.
Je m'attaque maintenant à ce que beaucoup semblent considérer comme la grosse faute du film : le soi-disant prosélytisme qui se dégage de l’œuvre.
[SPOIL]
En effet, c'est bien la « Bible » qu'Eli trimbale au péril de sa vie. Il la lit tous les jours et est persuadé que Dieu lui a demandé de l’amener vers l'Ouest, dans un lieu précis. La foi guide chacun de ses pas ainsi que ses actions.
Certes. Mais.
Le livre sacré est ici abordé sous plusieurs angles. Gary Oldman veut se l'approprier à des fins politiques, pour soumettre l'humanité à ses bonnes paroles, et régner sur un empire grâce aux textes sacrés. Une scène de dialogues laisse même entendre que la religion a été l'une des principales causes du conflit mondial qui a ravagé l'humanité.
A nuancer, donc. Surtout que le héros prône des valeurs morales universelles. Venir en aide à autrui, lutter contre l'injustice, etc... Ce ne sont pas les versets les plus puritains et extrêmes du livre qui sont mis en application.
Pour finir là dessus, lorsqu'Eli remet le livre à une bibliothèque, à la fin du film, le bibliothécaire évoque des encyclopédies, des poètes, et range la « Bible » entre le « Coran » et la « Torah ».
La « Bible » est donc à la fois un objet de foi, de politique et de culture. Si l'on part du simple postulat que le héros est croyant, il est difficile de voir ce film comme l'apologie du christianisme.
En conclusion, « Le livre d'Eli » est un film plutôt bon. Maladroit dans son rythme, ses ambiances, son message, il a le mérite d'ouvrir des pistes de réflexion, de mettre en scène des acteurs convaincus et convaincants. Petit plus, le twist final est assez bon, et je pense qu'on avait jamais vu un méchant se faire berner de façon si originale.