C'est bien, c'est très bien, mais ça ne sert à rien

Ce n'est pas de gaieté de cœur que je mets une bonne note à cette nouvelle version du Livre de la Jungle tant je vomis sur la nouvelle politique des Studios Disney à réadapter à tout-va leurs Classiques animés au profit de projets originaux bien plus intéressants.
Cette mauvaise habitude qu'a désormais pris la boîte aux grandes oreilles détruit leur image de la même manière qu'à l'époque des suites Disney. Non pas que les récentes réadaptations sont du même niveau mais elles représentent la même chose: L'absence totale de prise de risque et la disparition de la créativité autrefois si propre au studio.
Il faut croire que c'était le prix à payer. Accepter l'inintérêt total des films Live pour que les Classiques d'animation puissent continuer à nous offrir de nouvelles choses.

Le seul homme à avoir sauvé l'intérêt de cette revisite du livre de Rudyard Kipling est Alan Horn, le président des Walt Disney Studios, qui a incité Jon Favreau à s'inspirer des travaux de James Cameron et d'Ang Lee sur Avatar et L'Odyssée de Pi et ainsi créer un rendu photo réaliste en images de synthèses pour la Jungle.
À défaut d'apporter de grandes nouveautés scénaristiques, Le Livre de la Jungle est au moins un certain défi technique pour Disney. Nous pouvons donc remercier Alan Horn pour ça (à l'inverse de Bob Iger qui ne cesse d'entacher le blason de Mickey).

Et pourtant, contrairement à ce que je pensais, Le Livre de la Jungle a constamment le cul entre deux chaises. Il est bloqué par son objectif de vouloir à la fois rendre hommage au dessin animé des Walt Disney Animation Studios et son envie de raconter différemment le périple de Mowgli. Tous les événements du film d'animation sont ainsi racontés dans le désordre et mélangés à d'autres mini-sous-intrigues. Les références au dessin animé sont parfois si grossières que le spectateur regrette que cette réadaptation ne soit pas un film oubliant de prendre en compte l'existence du dernier long-métrage d'animation supervisé par L'Oncle Walt.

Mais parlons des nouvelles (bonnes) choses à découvrir dans cette réadaptation. La plus appréciable est le rôle des loups bien plus conséquent. Raksha qui était totalement effacée dans le dessin animé a droit à bien plus d'attention, elle vient se rajouter au trio des "parents" de Mowgli avec Baloo et Bagheera. Ses scènes font souvent mouche et ce rajout est très appréciable, de même pour le traitement d'Akela. Des personnages ont droit à une écriture légèrement différente de leurs versions dans le Classique de 1967 comme Le Roi Louie bien plus intimidant que dans le film original. Je dois avouer avoir préféré Mowgli dans ce film Live. Son parcours n'est pas le même et la morale part sur une toute autre direction. L'enfant est bien plus attachant selon moi, Neel Sethi se débrouillant d'ailleurs très bien malgré les conditions de tournage l'obligeant à être seul sur le plateau.

Jon Favreau décide également de partir sur un ton bien plus épique. L'aventure que vivra Mowgli comportera de nombreuses scènes d'action, notamment l'évasion du palais du Roi Louie ou le final. J'ai quelques réserves cependant sur le traitement de Shere Khan. Si j'apprécie beaucoup le fait d'enlever le côté humoristique ou relâché de plusieurs animaux comme pour Kaa ou Le Roi Louie, Shere Khan semble plus fade par rapport à sa version animée, ses motivations n'étant au final qu'une banale histoire de vengeance.

Techniquement, Le Livre de la Jungle est à la hauteur des attentes. La Jungle est sublime à regarder et les mouvements labiaux des animaux passent finalement sans problème malgré leur apparence ultra-réaliste.
L'ambiance est là, de bonnes idées surviennent de temps en temps, notamment le fait de mélanger les voix des acteurs avec les cris d'animaux pour quelques scènes. La bande-originale est de qualité, John Debney, aidé par Richard Sherman lui-même, nous offrant des mélodies très agréables à écouter. L'incrustation des deux chansons cultes du film d'animation n'était par contre pas du tout nécessaire. "Il en faut peu pour être heureux" est acceptable mais "Je voudrai être comme vous" est totalement hors-sujet et décrédibilise le personnage du Roi Louie.

Nous savions déjà à l'avance le principal problème du Livre de la Jungle et celui qui risque d'être présent pour toutes les réadaptations à venir. Ces films ne sont pas des adaptations des livres originaux mais des dessins animés originaux. Ils essaient à peine de s'éloigner des Classiques Disney, ils n'essaient même pas de les concurrencer, ils veulent à tout prix s'en rapprocher pour ne pas perdre leur public et ratent la coche.
Soyons honnêtes, est-ce que le public se souviendra d'avantage des films Live que des Classiques animées dans plusieurs années? Évidemment que non. Et ces réadaptations ne le cachent même pas vu qu'elles passent leur temps à faire référence aux dessin animés. Elles ont peur d'emprunter des voies totalement différentes et ne tentent quasiment rien.
La seule chose qui permet au Livre de la Jungle d'être plus mémorable est sa technique vu qu'à chaque fois qu'il tente de raconter autre chose, il revient aussitôt à l'hommage forcé au film d'animation.

En tant que divertissement, Le Livre de la Jungle est réussi. C'est une réadaptation soignée mais on s'en moque complètement.
La fin étant plutôt ouverte (ne respectant pas cette fois-ci celle du dessin animé) et Jon Favreau ayant officialisé son retour pour une suite au Livre de la Jungle, le deuxième film pourra cette fois prendre toutes les libertés qu'il voudra. Mais il ne sera qu'une énième preuve du manque d'inspiration de Disney pour leurs films en images réelles, le studio se contentant de relancer une de ses franchises cultes pour l'exploiter dans une nouvelle direction.
Espérons que le départ de Bob Iger en 2019 sera le signe d'un renouveau pour les films Live de la boîte aux grandes oreilles.