Le Livre des Solutions met fin à une disparition des radars de huit ans de Michel Gondry, soit depuis 2015 et Microbe et Gasoil.
Et si cela fait toujours un plaisir immense de renouer avec un artiste atypique, il est à craindre que ce nouvel opus soit attendu pour de mauvaises raisons. Car au regard du thème mis en avant, on pourrait anticiper une nouvelle échappée belle du côté de la douce folie cinéphile, celle qui a hissé Soyez Sympas, Rembobinez, vers les sommet de la filmographie du bonhomme.
Ou encore lorgner du côté de l'amour des bouts de ficelles et de l'à peu près foutraque devant une caméra, tendance Ne Coupez Pas ! , le seul et l'unique, car il n'y a jamais eu de remake, tenez-vous le pour dit.
Mais en 2023, Gondry choisit de filmer un alter ego, dans un semi autoportrait de son bouillonnement intérieur. Un aspect qui sera tout autant la qualité principale et la limite du Livre des Solutions.
Ainsi, via un Pierre Niney des grands jours, mi-Droopy mi-Zébulon, Gondry a trouvé le réceptacle idéal de ce qui l'anime et qu'il porte à l'écran dans un maelstrom.
Un portait qui restitue le côté paradoxal du bonhomme, sa folie, son intransigeance, ses idées farfelues réalisées avant même d'y avoir vraiment penser, trésors de stratagèmes mis en œuvres pour échapper à la réalité et se confronter au résultat de son art. Gondry semble être partout à la fois et nulle part, son cortex étant appelé ailleurs alors même qu'il n'a pas finit ce qu'il s'était engagé à livrer.
Soit un réalisateur attachiant, tyran constamment sur ses amitiés et ses relations pour mieux casser l'élastique.
Soit un grand enfant immature et capricieux qui se dérobe, dont l'attention hyperactive ne sait pas vraiment où se fixer en priorité. Mais un gamin dont on est aussi admiratif de l'anti-conformisme, des facéties et de sa poésie tout-terrain nourrissant les meilleures scènes du film.
Si tout ce qui fait que l'on aime les films du bonhomme est bien là, Le Livre des Solutions n'évite cependant pas l'écueil de la personnalisation du propos, qui ressemble quand même, parfois, au règlement de compte de ce qu'il a pu vivre à la barre de certaines œuvres passées, ou encore à une tentative d'auto-absolution un peu facile.
Mais la sympathie que peuvent inspirer Pierre Niney et sa dégaine lunaire, ainsi que la bienveillance déployée par les seconds rôles, Françoise Lebrun et Blanche Gardin en tête, excusent beaucoup de choses, même le fait que la fin de cette aventure décalée suspendue dans le temps s'égare dans une amourette stéréotypée.
Ainsi, malgré ses défauts, Le Livre des Solutions réussit une nouvelle fois à rendre hommage au bordel mental de son auteur, à qui on rechignera définitivement à lui ordonner de le ranger, de peur qu'il perde son génie créatif.
Behind_the_Mask, qui maîtrise l'art de la dé-brouille.